• L’évaluation n’est pas la notation

     

    Evaluer c’est attribuer une valeur à une production, par comparaison à une référence qui correspond dans le cas présent aux attendus du programme. L’évaluation d’un travail, et non pas d’un élève, pose de nombreuses questions : Pourquoi est ce qu’on évalue ? Comment ? Dans quel but ? A quel moment ? Comment prépare-t-on une évaluation ? Quelles remédiations seront proposées aux élèves en difficultés ?

     

    L’évaluation chiffrée (la notation) peut être vécue par les élèves comme une sanction partiale et illégitime quand ils ont eu le sentiment de travailler et que les résultats attendus ne sont pas au rendez vous. Cette condamnation par la note, surtout quand on a étudié, ne peut pas être vécue autrement que comme une injustice. Il ne suffit pas de dire à l’élève qu’il a mal appris ses leçons, ou qu’il n’a pas bien compris, pour le motiver et l’inciter à ouvrir de nouveau son cahier.

     

    Sans le plaisir de réussir, le travail personnel s’étiole progressivement et finit par disparaître. L’échec est patent, celui de l’élève mais aussi celui de l’enseignement reçu

     

    Il n’est pas rare de constater dans les classes des moyennes disciplinaires très faibles, inférieures à 10/20 parfois. Si tel est le cas, cela signifie que les attentes du professeur sont trop élevées, que les conditions d’un apprentissage réussi ne sont pas réunies ou que le cours dans son ensemble n’a pas été compris. Et pourtant c’est en général le travail de l’élève qui est jugé négativement.

     

    Le processus d’évaluation conduit, si on n’y prend pas garde, à chercher une valeur relative qui compare et classe les élèves entre eux. Instinctivement le professeur proposera plusieurs devoirs et interrogations en cours de trimestre pour obtenir des moyennes de classe qui seront souvent similaires d’une classe à l’autre. Certains estimeront qu’une bonne moyenne se situe à 12, d’autres à 14, d’autres à 8. La répartition des moyennes individuelles se faisant autour du pivot « choisi ». Ainsi, il n’est pas rare qu’une moyenne de classe se situe à 11 ou 12. Cela a pour conséquence de créer trois groupes d’élèves répartis à peu près uniformément. Le premier tiers est constitué de ceux qui réussissent et dont la moyenne approchera les 14-15, un groupe central dont les résultats seront moyens ou passables, et un troisième tiers d’élèves en difficultés[1]. Cette « mise en boîte » apparaît couramment, quels que soient la classe et le niveau intrinsèque des élèves. André Antibi a théorisé cet effet en dénommant constante macabre le pourcentage de mauvaises notes, récurrent d’une classe à l’autre[2]. Pour expliquer ce constat, de nombreux chercheurs expliquent qu’un évaluateur va inconsciemment adapter les tests qu’il donne aux apprenants de manière à configurer les résultats sur une moyenne attendue. Si la classe est formée de brillants éléments, les devoirs proposés seront plus difficiles, mais si la classe est composée d’élèves fragiles et en difficulté les exercices seront plus faciles. Au final ces deux classes auront à un ou deux points près la même moyenne et le résultat sera bien celui d’un classement relatif des élèves. La raison n’est pas liée à la malveillance, les enseignants sont dans l’ensemble plutôt bienveillants avec leurs élèves. Mais quand il s’agit de noter, la pression des collègues et des parents provoque une attitude de frilosité pour mettre en oeuvre une notation positive sans qu’il y ait une prise de conscience des effets négatifs que cela entraîne sur le comportement scolaire des élèves. Ce réflexe d’avoir dans les bulletins des moyennes de classes qui avoisinent 10-12 est renforcé par la crainte de perdre en crédibilité vis-à-vis de la société (et de certains élèves) quand les notes sont trop hautes.

     

    Evaluation diagnostique, formative, sommative 

    Puisque « Evaluer » n’est pas réductible au concept de « noter », comment caractériser les différentes formes d’évaluation des élèves ?

    Rappelons d’abord que l’acte d’évaluation n’est pas à distinguer des apprentissages mais y est intégré afin de fournir des informations neutres à l’élève et au professeur dans un objectif double de régulation et de progrès.

    Un processus d’évaluation dynamique tient compte de l’état des acquis à un instant donné de la scolarité mais indique aussi quel pallier d’amélioration a été franchi. C’est la raison pour laquelle l’évaluation sommative à la fin d’un chapitre n’est pas appropriée car cette information sur la progression dans les savoirs et les savoirs faire ne pourra être prise en compte correctement par l’évaluateur.

     

    Une évaluation dynamique prouve à l’élève qu’il retire un bénéfice de l’enseignement reçu car il lui montre que le chemin parcouru, même si il est difficile et tortueux, aboutit à un résultat positif

     

    Il apparaît ainsi trois moments clés au cours des apprentissages pendant lesquels les types d’évaluation seront différents :

     

    L’évaluation diagnostique est proposée au début de la séquence d’enseignement. Elle sert à identifier les obstacles cognitifs (le niveau de connaissances), épistémologiques (les représentations) et méthodologiques. Elle indique à l’enseignant comment aborder une notion avec chaque classe, de manière différenciée.

     

    L’évaluation formative se pratique en cours de formation. Généralement non notée, puisque les apprentissages ne sont pas encore maîtrisés, elle concerne principalement les méthodes. Ce type d’évaluation consiste à apporter une aide ciblée quand la capacité n’est pas encore acquise. Elle peut être pratiquée efficacement en accompagnement personnalisé. Au cours de cette phase, les élèves ont besoin d’être rassurés et leurs efforts valorisés pour les mettre en confiance.

     

    L’évaluation sommative s’effectue en fin de séquence. Elle est généralement chiffrée. Elle sert à réaliser un bilan, pour savoir si les connaissances et les capacités travaillées sont suffisamment solides pour poursuivre le cours dans un autre thème. A cet instant, il n’est pas inutile de reprendre les résultats de l’évaluation diagnostique pour constater avec les élèves les progrès accomplis.

     

    Notons enfin qu’il existe un quatrième type d’évaluation, appelée « évaluation certificative ». Il s’agit d’attester par un examen officiel comme le baccalauréat ou le CAP le niveau de formation atteint. Les évaluations certificatives sont en général externes, dans le sens où le texte du sujet n’est pas construit par le professeur de la classe, qui n’est pas non plus le correcteur. Cependant il se développe à tous les niveaux d’enseignement des évaluations certificatives (y compris en BTS) qui se nomment « contrôle en cours de formation » et qui sont de la responsabilité de l’enseignant des élèves évalués.

     



    [1] L’adoption de lettres (A, B, C, D, E)  pour noter ne change rien à la pratique. L’expérience montre qu’un quart des élèves est évalué A, la moitié  B ou C et un quart ou un peu moins D ou E.

    [2] La constante macabre et l’évaluation par contrat de confiance – voir : http://mclcm.free.fr/documents/060124_EPCC.pdf


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  • Eddy Redmayne, oscar du meilleur acteur pour son rôle dans "Une merveilleuse histoire du temps" qui relate la vie du célèbre chercheur Stephen Hawking

     


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  • L'audition de Florence ROBINE au conseil économique et social sur le thème de l'Ecole de la réussite pour tous est dans la rubrique VIDEOS EDUC

    Ci dessous une carte mentale qui met en exergue les principales idées développées


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  • Le collège en quête d'identité, l'Ecole du socle

     

    On  revient donc à la question du positionnement du collège dans le système éducatif français. Longtemps adossé au lycée, il a permis de garantir l’excellence de la formation classique pour les meilleurs élèves. La massification qui permet d’élever le niveau moyen d’instruction ne s’est toutefois pas accompagnée d’une redéfinition des pédagogies employées. Les professeurs se sont parfois retranchés derrière la liberté pédagogique octroyée (à juste titre) pour ne pas voir qu’ils ne pouvaient plus enseigner à tous les élèves comme on le faisait autrefois avec la partie la plus réceptive à ce type d’enseignement. Or, les missions assignées au collège ont évolué et les objectifs assignés sont clairement ceux du socle. Dans l’immédiat, les programmes qui sont en attente de réécriture ne sont pas tous compatibles avec l’esprit du socle tel qu’il a été défini par le législateur.  

    On perçoit cependant des évolutions dues au changement générationnel progressif des enseignants en poste mais aussi à la prise de conscience qu’il n’était plus possible de regretter ce qui avait disparu mais qu’il fallait avancer avec un objectif plus ambitieux qu’avant : mieux former la TOTALITE d’une génération d’écoliers. [1]

     

    Il est courant de dire que les professeurs d’école possèdent une maîtrise des outils pédagogiques plus fine et que les professeurs de collège sont plus experts en matière de didactique et de savoirs à transmettre. Leurs formations respectives sont en partie responsable de ce fait. Chacun d’eux a donc tout à gagner de mieux appréhender, le premier les disciplines et le second les méthodes de mise en activité des élèves, ou la différenciation pédagogique, pour valoriser de nouvelles compétences auprès des élèves, des parents, de l’institution.

     

    Accepter le point de vue de l’autre, porter un autre regard sur l’élève et sur son enseignement

     

    Les conseils de liaison école-collège qui ont vu le jour ont été pensés dans l’esprit des comités de pilotage des dispositifs ECLAIR[2] qui mettent autour d’une même table des enseignants du premier et du second degré, un chef d’établissement et des inspecteurs. La réflexion qui s’opère lors de ces échanges (les anglo-saxons parlent de brain-storming) est l’occasion de mettre en place des programmes de rencontres sur des sujets concertés et précis. Il est important d’aller au-delà de la seule transmission d’informations sur le degré d’acquisition de chaque enfant dans les matières fondamentales (qui reste évident essentiel). Les élèves de sixième doivent pouvoir se retrouver en présence de leur ancien maître, ne serait ce qu’une seule demi journée dans l’année, ceux de CM2 ont tout à gagner à rencontrer leurs futurs professeurs, en particulier dans les disciplines artistiques ou scientifiques. Les échanges concernent les interactions professeurs - élèves mais aussi celles qui ont lieu entre professeurs, y compris dans les classes pour simplement voir l’autre travailler et apprendre en analysant ses méthodes ou pour intervenir avec lui en co-animation.

     

    Après avoir traversé la tourmente du collège unique, le collège se construit actuellement une nouvelle identité. Comme lors de tout changement de paradigme, les inquiétudes sont profondes, les crises récurrentes, et les difficultés à surmonter nombreuses.

    Le collège a tout à gagner à changer de statut. Il n’est pas un entre deux, coupé entre une école qui apporte la première pierre éducative et un lycée qui prépare au supérieur. Un collège qui s’assume n’est pas l’antichambre d’un lycée qui représenterait le Graal. Les professeurs sont les éléments indispensables à cette transition qui demande de l’ambition, une responsabilité claire vis-à-vis de chacun des partenaires et l’envie de relever le défi de la réussite éducative. Assumer sa différence vis-à-vis du lycée consiste à : 

     

    -         refuser toute forme d’échec et accompagner les plus faibles, en priorité,

    -         prendre les élèves au niveau où ils sont à l’entrée en sixième pour adapter l’enseignement qui les fera progresser,

    -         donner les clés de la réussite à ceux qui iront en lycée général et technologique, comme en lycée professionnel,

    -         créer un environnement qui crée de l’envie et qui est propice à la formation, en acceptant l’idée que le professeur a une mission pédagogique mais aussi éducative, en étant à l’écoute des difficultés des élèves,

    -         garantir à tous les élèves, sans tricher, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture.

     

    Le collège a toutes les compétences en son sein pour réussir sa transition, des professeurs parfois inquiets mais toujours acquis à la cause des enfants, des principaux qui veulent montrer le potentiel de leur établissement, des inspecteurs et des cadres administratifs  présents pour soutenir les efforts vers un modèle de développement qui valorisera les potentialités de chacun, dans l’intérêt de tous.



    [1] Thomas Piketty indique par ailleurs comment la croissance des inégalités des revenus peut être limitée par une éducation plus qualifiante. La loi de l’offre et de la demande induit une meilleure rémunération des métiers à forte valeur ajoutée, en particulier quand le système éducatif ne répond pas à l’attente des entreprises et des administrations. Si la démocratisation des diplômes n’a pas réduit les inégalités de salaire c’est parce que tous les référentiels des niveaux de qualification (de I à V) ont accrus les connaissances et compétences acquises par les élèves. Une stagnation d’un groupe social à un niveau collège inférieur, comme il est parfois proposé, amplifierait fortement le déclassement de ces personnes et accroîtrait d’autant les inégalités de revenus. On voit donc que la demande individuelle de qualification rejoint celle exprimée par la nation pour rester dans la compétition mondiale et celle de la société pour une répartition juste des revenus. Cf T. Piketty, le capital au XX1 siècle, p 482

    [2] Ecole Collège Lycèe pour l’Ambition l’Innovation et la Réussite


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