•               « L’école conservatrice »

    Quand le sociologue BOURDIEU a publié son étude en 1966 : « l’école conservatrice ; les inégalités devant l’école et devant la culture » le terme employé relevait d’un registre de langue accusateur pour exprimer un fait qui n’était pas évident à percevoir : l’école a un rôle déterminant dans la reproduction des élites ! En effet, il était plutôt admis que l’école pouvait être un ascenseur social en apportant les connaissances et la culture correspondante. L’école n’était elle pas le fer de lance de la méritocratie républicaine ? Il est certain que l’instruction générale s’améliorait en France et que des fils ou des filles d’ouvriers, d’employés, de paysans accédaient à des fonctions supérieures, plus valorisées socialement, plus rémunératrices. En pleine période des trente glorieuses, on ne pouvait qu’espérer un avenir meilleur pour ses enfants, à condition qu’ils travaillent suffisamment à l’école. L’école n’avait elle pas contribué à libérer le peuple de féodalités diverses en lui permettant de savoir lire, écrire, compter et par conséquent disposer d’un certain esprit critique ?

     

    Mais ce qui est intéressant dans ce document qui garde toute sa pertinence aujourd’hui, c’est qu’il n’énonce pas seulement des faits et des statistiques, mais qu’il démontre les processus qui conforte cette forme de « stabilité du corps social ». C’est d’abord par les formes d’enseignements qui sont parfaitement adaptées aux enfants qui baignent déjà dans un milieu culturel « classique » que la sélection va commencer à s’opérer. De plus, les pressions subtiles qu’exercent les classes aisées sur ceux qui définissent l’organisation scolaire ne favorisent pas non plus un certain égalitarisme prôné dans le verbe mais non dans les faits.

    L’inégalité des dons ne serait donc pas la seule responsable des succès et des échecs scolaires ?

     

    Si la prééminence des enfants de cadre et d’enseignants dans les écoles prestigieuses est toujours aussi forte aujourd’hui, il faut interroger les modes de sélection des concours. En effet, les bases sociales des Ecoles et des universités sont très différentes. La proportion d’étudiants issus de milieux favorisés est de 62% en Ecoles contre 46% en troisième cycle universitaire, qui est pourtant le plus sélectif de l’Université en terme social. Après avoir connu une relative démocratisation dans les années 60-70, la sélectivité sociale a opéré un grand retour en arrière à partir des années 80. De nombreux intellectuels s’en sont émus, et même les grandes écoles ont compris qu’elles devaient se préoccuper de leur recrutement par trop « aristocratique ». Des dispositifs d’ouverture sociales sont apparues, avec les expériences de Sciences Po ou de l’Essec (dispositif « PQPM, une grande école pourquoi pas moi ?) qui ont conduit à la création des « cordées de la réussite »  visant à favoriser l’ambition et aider les élèves issus de milieux ou de territoires défavorisés.

    Ainsi, les grandes écoles sont régulièrement accusées de favoriser une reproduction sociale des élites via un concours qui se pare des vertus de la méritocratie républicaine mais qui ne peut être réussi que par des étudiants issus pour la plupart de milieux favorisés.

     

    Démocratiser l’accès aux Grandes écoles pour donner du souffle au pays

     

    Au cours de la première moitié du vingtième siècle la probabilité pour un homme d’être diplômé d’une grande école est de l’ordre de 3,0 % d’une classe d’âge et 0,3% pour une femme ; mais celles-ci augmentent respectivement à 4,0 et 1,5% à la fin des années 2000. Il apparaît donc une relative raréfaction des places en regard du nombre de bacheliers qui a considérablement augmenté[2]. Ainsi, la concurrence ne faisant que s’accroître, c’est l’aspect culturel qui fait souvent la différence au moment du concours. Il faut ajouter à cela le critère financier : de nombreuses écoles de commerces sont payantes et même s’il existe des bourses, il est souvent difficile à des enfants d’ouvriers ou de professions intermédiaires de financer ce type d’études et surtout le logement quand on n’habite pas une métropole. Ainsi, 60 % des élèves d’une grande école d’ingénieur sont issus de familles dont le père est cadre supérieur (70% pour les écoles de commerce) quand 6% d’entre eux sont des enfants d’ouvriers ou d’employés (3% pour les écoles de commerce).

    Si on considère que la sélectivité sociale est déjà en soi un problème on ne peut que se scandaliser de l’évolution actuelle. Comme l’indiquait le ministre CHATEL « Le système s'est complètement retourné en trente ans. Il ne fait que reproduire les inégalités sociales au lieu de lutter contre leurs prédéterminations»[3].

    Le problème est que ce mode de sélection des élites est de moins en moins efficace et finit aussi par mettre en danger la nation parce qu’il ne permet pas la réussite des talents nouveaux et originaux dont la France a besoin.

     

    Pour citer Bourdieu : «  Chaque famille transmet à ses enfants, par des voies indirectes plutôt que directes, un certain capital culturel et un certain ethos, système de valeurs implicites et profondément intériorisées, qui contribue à définir entre autres choses les attitudes à l’égard du capital culturel et à l’égard de l’institution scolaire »[4]. L’intensité des attentes des familles expliquerait fortement les taux de réussite de chaque catégorie d’élèves (au sens défini par l’insee). Il faut ajouter à cela l’inégalité dans l’accès à l’information pertinente en terme de cursus d’orientation pour rendre compte de l’écart constaté entre les taux de poursuite vers les voies d’excellence.

     

    On peut noter aussi que la démocratisation de l’école ne peut s’opérer qu’en travaillant la qualité de la langue (parlée et écrite), et ce dès le plus jeune âge. La richesse du vocabulaire, la compréhension fine de la syntaxe, sont des atouts majeurs pour intervenir en société mais aussi pour comprendre, analyser et retranscrire en termes pertinents des pensées complexes. Il est donc essentiel, pour tous les professeurs, dans toutes les disciplines, de s’attacher à travailler au collège comme au lycée la maîtrise de la langue. En effet, celle-ci n’est pas liée à la seule étude des textes littéraires qui relèvent du cours de français, mais de savoir décoder des schémas, des documents scientifiques, des textes du quotidien et de pouvoir réutiliser à bon escient le matériau intellectuel ainsi obtenu.

     

    La charge d’éducation est en principe partagée par les familles et l’école. On peut dès lors se poser la question de savoir comment on peut favoriser la prise en compte de la richesse des cultures dans l’appropriation des savoirs et s’en servir comme d’un moteur puissant d’apprentissages. Car c’est en brassant les idées qu’on développe les imaginations. Le travail du maître est par la suite d’apprendre à l’élève comment traiter rigoureusement l’information créée pour produire un travail construit et intelligible. Or, le système scolaire français semble imposer une norme restrictive qui ne bénéficie qu’à une élite maîtrisant certains codes culturels classiques et qui peut brider l’initiative. Il ne s’agit pas de tout accepter mais de créer les conditions pour que le brassage des idées puisse apporter une plus value au groupe et à chaque individu.

     

    Bourdieu, et d’autres auteurs comme Lewin[5], soulignent que la réussite est un moteur puissant qui entretient le succès. Chaque pallier atteint est l’occasion de se lancer un nouveau but à atteindre, mais pas trop éloigné du précédent[6]. En effet, pour y parvenir il est nécessaire d’intellectualiser la faisabilité de l’objectif. Il est par conséquent illusoire de d’indiquer à un élève en échec que la barre à atteindre est définie par le programme de la classe X, si son niveau objectif se situe deux classes en dessous. A contrario, un élève en échec sur un objectif peut très rapidement perdre confiance et se situer dans une attitude de refus vis-à-vis de la discipline. On voit là l’importance de contractualiser avec les élèves et d’adopter une notation positive et valorisante dans les devoirs surveillés, y compris pour des élèves en difficulté, en optant pour des contrôles dont les contenus sont différentiés.

    Dans la même logique, le changement de niveau et l’orientation sont souvent vécus par de nombreux élèves et parents comme des paliers annuels qui doivent être traités quand le troisième trimestre survient. En revanche, dans les milieux favorisés on va anticiper les difficultés et rencontrer les professeurs, expliquer comment l’enfant va améliorer ses résultats en proposant un protocole de suivi à la maison. Une forme d’accord tacite et complètement involontaire apparaît pour laisser plus facilement la possibilité de s’engager dans la voie générale, à niveau égal, quand la famille dispose de ces codes culturels. Il s’agit donc pour le professeur d’en être conscient, de soutenir plus intensément les élèves quand le recours à la famille est plus aléatoire et ainsi de ne pas oblitérer leurs possibilités de poursuites d’études.



    [2] D’après les statistiques de la DEPP, la proportion de bacheliers dans une génération reste inférieure à 5% au cours de la première moitié du 20° siècle et atteint 76,7% en 2012

    [3] Voir l’article du journal Le Figaro.fr en date du 8/01/2010

    [4] Bourdieu, l’école conservatrice

    [5] LEWIN, « Comportement et développement comme fonction de la situation totale », PUF, 1952

    [6] VYGOTSKY a développé le concept de « zone proximale de développement » (ZPD) pour rendre compte de ses observations : Un élève peut apprendre et réaliser certaines activités seul. Il peut aussi réussir en étant aidé par un autre élève ou par le professeur, si les taches qui lui sont données ne sont pas trop complexes pour lui, c’est-à-dire dans des situations qui se situent dans sa ZPD. Pour cela le rôle du langage comme vecteur de communication est essentiel.


  • Un nouvel article dans la rubrique "gestion de classe"


  •  Les professeurs présents dans un établissement depuis plusieurs années sont repérés et connus. Des réputations circulent dans les cours de collège et de lycée : untel est un bon professeur, celui ci donne beaucoup d’exercices, celui là prépare bien au baccalauréat mais il est plutôt sévère…Cette image véhiculée n’est pas toujours exacte, mais elle existe. Ainsi, un professeur reconnu n’a pas à asseoir son autorité dans la classe, puisqu’elle est a priori acceptée. Pour ce professeur, bien commencer l’année consistera à préciser l’organisation qu’il adoptera et donner quelques indications qui seront autant de rituels pour le bon déroulement de la classe. Par exemple, on peut imaginer que tous les lundis le travail de littérature portera sur l’oeuvre qui est au programme et qui devra être lue, le jeudi sera consacré à la production de textes, et toutes les trois semaines il y aura un devoir surveillé le vendredi. De plus, une fois par semaine, une courte interrogation de cours permettra de contrôler que les leçons sont bien apprises. Ces rituels sont attendus des élèves car ils rassurent et mettent en confiance. L’inconnu et le changement régulier dérangent et stressent. Les apprentissages réussis sont le fait de programmations.

     

    Les professeurs débutants ou ceux qui s’installent nouvellement dans un établissement vont inévitablement être observés d’un peu plus près. Ils bénéficient en général d’une acceptation neutre ou positive des élèves. Toutefois, celle-ci reste extrêmement fragile parce qu'elle ne repose sur rien de concret. Ce sont les premiers jours de classe qui vont créer une première image du professeur dont il pourra être difficile de se défaire par la suite si celle-ci est trop abimée.

     

    Mettre en place des procédures de travail ne signifie pas édicter une longue liste de règles et d'obligations. Les élèves reconnaissent vite le sérieux du professeur, ses qualités humaines, ses défauts aussi. Ils savent ce qu'ils ont le droit de faire à l'école et ce qui leur est interdit[1]. Ce qui ne les empêche pas de tester les résistances de l'adulte. Mais ces provocations sont moindres quand l'élève sait que le temps qu'il va passer en classe va lui permettre de progresser, d'apprendre en réalisant un travail qu'il comprendra et dont il appréhendera l'intérêt.

     

    Quand les procédures sont installées, le professeur peut relâcher la pression éducative, et se concentrer sur l'acte pédagogique. Celui ci sera alors d'autant plus efficace que l'énergie dépensée pour la gestion de classe est moindre.

    Pour bien commencer l’année chacun rencontre ses collègues, le chef d’établissement, les personnels administratifs. Un établissement est un paquebot scolaire dont la résistance au changement est forte. Regarder, écouter, comprendre la logique et l’histoire de la communauté qui l’habite est indispensable avant de vouloir proposer des modifications au fonctionnement quotidien ou à l’organisation pédagogique. Réussir dans cette démarche demande du doigté, de respecter ses collègues, et de proposer des changements en argumentant leur bien fondé. Le risque de partir seul sabre au clair quand on est nouveau dans un établissement est de se forger une réputation de personnalité hautaine et orgueilleuse dont il sera difficile d’ôter les habits. Le pire serait que cette attitude finisse par avoir des échos auprès des élèves et mette en difficulté le professeur dans ses propres classes. Même avec la plus grande détermination, et avec la justesse du diagnostic posé, on ne change pas seul contre tous des années de mauvaises habitudes.

          Être vigilant  

    Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage

     

    Pour paraphraser Nicolas Boileau, il faut garder à l'esprit que rien n'est jamais gagné dans une classe, rien n'est jamais acquis.

    Même quand le professeur possède la confiance de ses élèves, il n'est pas à l'abri d'une réaction incohérente, qui sera souvent dans ce cas précis le fait d'individus isolés.

    En revanche, si la tension est palpable et régulière dans la classe entre le professeur et les élèves une réaction collective peut survenir. Celle ci peut aussi apparaître quand des groupes rivaux sont présents dans la même classe. Dans ce cas difficile à gérer, le professeur expérimenté qui a su installer son autorité pourra toujours contrôler la situation parce qu'il aura l'appui de la majorité silencieuse. Mais l’énergie dépensée pour rétablir le calme, la confusion engendrée lors du problème et de sa résolution pourront laisser un vague sentiment négatif d’insécurité ou d’instabilité qui n’est pas propice au bon déroulement du cours et qui peut laisser apparaître un certain malaise qui prendra du temps à se dissiper.

    C'est pourquoi, il ne faut jamais attendre qu'une situation dégénère et être vigilant aux réactions parasites, aux écarts de paroles et à l'atmosphère qui s'électrise

    Les petits écarts de conduite peuvent rapidement prendre une tournure négative, au mieux non favorable aux apprentissages, au pire qui mettra en difficulté le professeur, voire en danger les uns ou les autres

    Dans tous les cas il est indispensable de ne jamais provoquer les élèves et de rester sur le terrain des faits, d’argumenter, et ne pas entrer dans le conflit en tant que partie prenante.

    Si une tension ou un conflit se crée ou persiste entre le professeur et un élève, on impose de régler le problème après le cours car la classe se lasse rapidement des joutes oratoires et le chahut prend vite forme.

     

    Faire preuve de diplomatie : être à l'écoute, ne pas s'énerver, proposer des solutions, mais être ferme sur les interdits

     

     

     



    [1] Le règlement intérieur d'un collège ou d’un lycée définit l'ensemble des règles de vie de l'établissement et fixe les droits et devoirs de chacun

     


  • En ce début d'année scolaire, un petit article sur l'autorité du professeur dans la classe. Pour aider les jeunes et pour questionner la posture.

    A voir dans "gestion de classe" ou "débuter"


  •                                                                                     L’autorité "naturelle"

     

    L'autorité du professeur

    Le professeur est garant de l'autorité dans la classe. Mais pourquoi certains professeurs ont ils plus d’autorité que d’autres? Indiquons d’abord certaines règles élémentaires pour créer une ambiance de classe favorable à l’écoute, au travail et aux apprentissages. En premier lieu, les professeurs doivent maîtriser les connaissances disciplinaires et les élèves reconnaître cette expertise du maître.

    Nous pouvons supposer que le haut niveau universitaire auquel les professeurs sont recrutés atteste de cette maîtrise disciplinaire.

    Dans ce cas, les problèmes d’autorité du professeur sont souvent liés :

    -         à la forme pédagogique mise en œuvre pendant les cours,

    -         à une méconnaissance des contraintes et des difficultés didactiques propres à la discipline

    -         à la posture adoptée face aux élèves

     

     Intéressons nous ici au 3° cas, c'est-à-dire à tout ce qui a trait à la posture.

     

    L’autorité n’est pas l’autoritarisme

     

    Tout le monde a le souvenir de professeurs qui crient pour ramener le calme dans la classe, ou ressassent comme un leitmotiv des expressions du type « ça suffit », « silence », « taisez vous »... Celles ci n’ont un effet durable que lorsqu’elles sont employées avec parcimonie, car elles vont marquer l’auditoire à cet instant au lieu de servir de ponctuation dans un discours professoral.

    Les femmes professeures doivent être encore plus prudentes que les hommes quand elles élèvent la voix car celle ci peut se déplacer vers les fréquences aigues. Avec pour résultat une tendance à accentuer le malaise. Et d’ailleurs, combien d’adolescents s’amusent à provoquer ce type de réaction chez leurs professeures!

     

    Maîtriser sa voix pour assurer son autorité sur les élèves. Il est important de toujours rester calme et poser sa voix, même (et surtout) en cas d’énervement. Des exercices, chez soi, de diction ou de chant ne sont pas inutiles pour parvenir à entendre le timbre et la hauteur de sa voix et les modifier si besoin[1].

    Les exercices envisagés servent à muscler le diaphragme et ouvrir les poumons pour modifier la quantité et la puissance de l’air expulsé. Ils auront aussi pour but de jouer sur la plasticité des résonateurs pour changer le timbre et amplifier le son.

     

    La voix mal placée entraîne une fatigue des cordes vocales car l’intensité sonore adoptée en classe par le professeur est plus élevée que lors d’une discussion.

    La fréquence et l’intensité sonore ne sont pas les seules caractéristiques de la voix à prendre en considération. Il ne faut pas non plus oublier que la modulation de l’intonation est à prendre en compte pour rendre un cours vivant et intéressant. Un ton monocorde est toujours ennuyeux pour ceux qui écoutent. On peut avoir des difficultés à varier les tonalités, et là encore la pratique du chant choral ou du théâtre sont très formateurs. Dans tous les cas, si le professeur n’est pas en mesure de moduler suffisamment sa voix, il vaut mieux que ses interventions soient courtes au profit de celles de ses élèves. Et ainsi ce problème passera inaperçu, ou sera moins handicapant.

     

    Le déplacement du professeur, ou son absence, impacte le type de cours qui sera produit. Certains enseignants préfèrent rester à côté du tableau, debout sur l’estrade, assis sur une chaise ou plus doctement sur le bureau. Inévitablement on peut penser que l’interaction entre lui et ses élèves sera moindre, qu’une barrière, au moins symbolique, est créée par la posture adoptée. Au pire, certains peuvent laisser penser qu’ils ont peur des élèves qui sont devant lui.

    Savoir se déplacer dans la classe, pour être avec ceux qui apprennent, et pouvoir répondre à des questions isolées est indispensable dans l’acte pédagogique. Être au milieu de ses élèves c’est leur signifier qu’on est avec eux dans l’accompagnement et pas face à eux, en évitant tout contact physique et en respectant l’espace privé propre à chacun.

    Cela n’exclut pas les moments de structuration des connaissances nouvelles pendant lesquels ce rapport « frontal » se reconstitue.

    Savoir se positionner dans la classe conduit à maîtriser ses déplacements : S’ils sont insuffisants le cours risque de prendre une tournure professorale, si ils sont trop nombreux et trop rapides le tournis s’installe et la distraction se substitue à l’écoute.

     

    L’autorité du professeur passe aussi par la tenue vestimentaire adoptée. Il arrive quelquefois que les jeunes professeurs profitent des beaux jours de septembre ou juin pour se mettre en short ou en bermuda. D’autres peuvent conserver un jean taille basse ou porter une chemise largement ouverte. Tous ces exemples sont à proscrire. Les élèves veulent avoir face à eux des adultes qui se comportent comme tel, avec un code vestimentaire adapté à la fonction de professeur et d’adulte référent. Celui-ci représente une institution, l’Education Nationale. Cela impose de s’habiller correctement et de choisir une tenue conforme à l’image symbolique que le professeur véhicule dans la société. Les vêtements appropriés sont confortables et ne heurtent pas la pudeur des adolescents. Ils sont adaptés à un métier où l’on bouge, pour se pencher à la table de l’élève, et lever les bras pour écrire au tableau.

     

                                                                                              L'attitude

     

    Les adolescents testent les adultes pour vérifier leur tolérance à l’égard des règles qu’ils édictent. Bien sûr, celles ci doivent être respectées, mais elles le seront d’autant plus si le professeur adopte une attitude positive avec ses élèves

     

    L’empathie, c’est être à l’écoute des difficultés des élèves

     

    Comme il a été dit précédemment, les professeurs sont des adultes référents, comme les parents. Il n’existe aucune relation d’amitié entre les professeurs et les élèves. Les enseignants n’ont pas à jouer la sympathie, encore moins l’antipathie. En tant que professionnels de l’éducation, les professeurs savent que les processus d’acquisition des connaissances et des compétences sont complexes et non linéaires. Tous les élèves ne réagissent pas de la même façon face à une difficulté nouvelle, certains cherchent spontanément à la résoudre, d’autres baissent facilement les bras. C’est en comprenant la diversité des comportements et en sachant changer le type d’explications fournies que chaque élève pourra entrevoir le bout du tunnel qui le conduira à comprendre la nouvelle leçon. Il faut beaucoup de psychologie pour entendre la difficulté et y répondre avec les mots adaptés.

    Quand un élève ne comprend pas, le professeur lui demande de reformuler le problème pour qu’émerge explicitement l’obstacle à franchir. Ce n’est qu’en partant de ce terrain, mouvant et peu stable, que le professeur pourra déblayer, renforcer et construire une assise solide sur laquelle l’adolescent pourra par la suite s’appuyer pour progresser.

    Souvent, contraint par le temps mais avec le souci évident de faire comprendre, les professeurs réexpliquent en usant des mêmes mots et des mêmes schémas narratifs. Et de finir le propos par l’expression classique : “tu as compris maintenant?”. Alors, l’élève, pour éviter de se sentir ridicule vis à vis du maître ou de ses condisciples  répond par l’affirmative. Et le cours continue. Quant à l’élève, il risque de s’enfermer dans un certain mutisme, ne voyant pas l’intérêt de demander des explications complémentaires.

    On le voit ici, être à l’écoute des difficultés des élèves, c’est vouloir les résoudre, ensemble, et par conséquent chercher les moyens les plus divers pour y parvenir.

     

    L’acte d’apprentissage réussi suppose d’accepter le principe de l’erreur (notion prise ici dans le sens classique qui correspond à l’obtention d’un résultat faux[2]). Commettre une erreur ne doit pas laisser l’élève face à un quelconque sentiment de culpabilité[3]. L’erreur est normale et formatrice. Comment dès lors ne pas adopter une attitude bienveillante avec les erreurs des élèves. En cherchant à comprendre la raison qui a conduit l’élève à se tromper : l’étourderie, la mauvaise connaissance de la leçon, une compétence de calcul ou de grammaire mal acquise…il est possible de commencer un travail de remédiation car le constat de l’erreur n’est jamais accompagné d’un jugement de valeur.

     

    L’erreur positive est celle qui fait progresser parce qu’elle provoque le questionnement

     

    Comment alors ne pas se poser la question de l’humilité par rapport à son propre savoir quand on est professeur ? Quel que soit le niveau d’étude atteint, les diplômes obtenus, les parcours professionnels précédents, on ne clame pas son savoir en classe. Les élèves se moquent totalement du niveau scolaire atteint par le professeur, peu leur importe qu’il soit docteur, ingénieur ou autre, ils veulent quelqu’un qui les aide, réponde aux exigences du programme, et les fasse progresser.

     



    [1] Des séances d’orthophonie permettent d’apprendre à placer sa voix et éviter d’être aphone ou malade (angine, laryngite).

    [2] Nous développerons par la suite le concept de statut de l’erreur.

    [3] On sous estime souvent l’affect qui entoure le commentaire porté à l’élève quand il commet une erreur. Cela commence tôt, dès la maternelle. Le risque étant qu’un enfant qui a mal vécu certaines remarques peut s’enfermer dans une attitude passive, attentiste, plutôt qu’oser produire un travail qui nécessitera d’être repris ou complété.






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