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  •   Pour qui sont écrits les ouvrages scolaires ? A priori, nous aurions envie de dire pour les élèves, pour les aider à comprendre les leçons, les faire progresser, leur donner des informations complémentaires pour approfondir une notion, et leur proposer un vaste ensemble d’exercices pour qu’ils puissent s’entraîner. Cette vision idyllique se heurte malheureusement au principe de réalité. Les livres scolaires sont peu lus, peu utilisés par les adolescents sauf pour répondre aux questions des exercices donnés en fin de cours.

     La plupart de ces ouvrages sont tellement volumineux qu’ils sont presque toujours constitués de plusieurs centaines de pages. Actuellement une maison d’édition prestigieuse propose dans une discipline scientifique un livre de six cents pages en terminale. Une autre tout aussi connue met à disposition des livres en histoire-géographie de quatre cent page en troisième, et de trois cent vingt pages en sixième (poids d’environ 1 kg à chaque fois) ! Ainsi, cet élève de onze ans qui ne maîtrise pas toujours les fondamentaux de lecture et d’écriture va se retrouver avec un potentiel de 1460 pages cumulées dans les six principales disciplines de la classe de sixième[1].

     On se doute que le rendement du nombre de pages lues sur le nombre de pages imprimées ne doit pas être très élevé.

     

    La charge symbolique du cartable témoigne du sérieux des élèves

     

    Dessin réalisée par Jacques Azam (© Milan Presse / Jacques Azam)

    Imaginons le poids d’un cartable contenant  quotidiennement quatre livres, autant de cahiers ou classeurs, une trousse, des crayons de couleurs, une calculatrice…Il est compris entre 6 et 7 kg à l’entrée au collège, augmente par la suite autour de 8,5 kg, et peut grimper très vite quand celui-ci est équipé de roulettes, ou quand l’élève, consciencieux mais pas très méthodique, cumule des feuilles en trop grand nombre, apporte tous les manuels, ajoute de la nourriture et de l’eau et son équipement sportif. Des études ont même montré que le cartable et son contenu se sont alourdis ces dernières années, dépassant souvent 10 ou 12 kilogrammes.

     Le poids d’un cartable, de l’avis des médecins, ne devrait pas dépasser quinze pour cent de celui de l’enfant, c’est-à-dire peser entre 5 et 6 kilogrammes environ, pour respecter le dos de l’adolescent en croissance et éviter des problèmes futurs au niveau de la colonne vertébrale.

     Suite aux remarques récurrentes des parents, du corps médical et de l’institution elle même, une prise de conscience est néanmoins apparue qui s’est souvent concrétisée par la mise en place de casiers dans la cour des collèges, permettant de ne conserver sur le dos que les affaires d’une demi-journée et pas de la totalité du jour.

     Des notes de services ministérielles ont été diffusées, comme celle parue au bulletin officiel du 17 janvier 2008. Certaines personnes réclament une loi. Plutôt que d’user de l’arsenal législatif, il est préférable d’entamer au niveau de chaque établissement une réflexion approfondie sur le poids des cartables et son contenu. Cela aurait un impact immédiat sur des aspects pédagogiques tels que l’utilisation du numérique, l’usage raisonné du manuel papier et des photocopies, l’apprentissage de la méthodologie. Il est important que dans chaque classe, l’équipe pédagogique sous l’influence du professeur principal prenne conscience de ce problème du poids des cartables et apporte des solutions pratiques pour y remédier, en évitant de donner systématiquement une punition à ceux qui auraient oublier leur matériel.

      La contrainte est donc forte pour imposer aux éditeurs un allégement ou une modification des manuels scolaires. Pourtant ceux-ci sont réticents à proposer des solutions alternatives comme le livre numérique, le fascicule perforé de type classeur ou le livre scindé en deux tomes. Ils indiquent que ces propositions ont un coût non négligeable pour les collectivités et/ou l’éditeur et pensent que les enseignants ne souhaitent pas ce type d’évolution.

     Les ouvrages scolaires étant écrits par les professeurs et choisis par d’autres professeurs, on peut légitimement se poser la question de savoir si ils ne sont pas d’abord élaborés pour eux. Une étude de l’évolution des contenus montre clairement que les manuels sont d’abord des banques de données, d’informations, des compilations de documents, et dont la partie cours est strictement limitée à l’essentiel. Le manuel est d’abord utilisé par les professeurs pour élaborer leur cours (sécurité d’un contenu jugé « officiel ») en utilisant les documents qu’ils estiment les plus appropriés. La seconde utilisation étant pour eux liée à l’intérêt et à la variété des exercices qu’ils proposent.

     C’est pourquoi ces manuels sont très fournis, pour aider les professeurs qui voient les évolutions dans les méthodes pédagogiques en lisant le bulletin officiel ou en participant à des réunions d’animation pédagogique, mais qui souhaitent être accompagnés pour produire leurs propres ressources. Ainsi, craignant de ne pas suffisamment développer chaque partie du programme et être par la suite critiqués par leurs collègues, les auteurs ajoutent quelquefois des informations hors programmes. C’est une des raisons pour laquelle il faut bien se rappeler qu’un manuel scolaire reste une interprétation du programme. C’est pourquoi, bien qu’ils soient utiles à consulter, il faut se garder de construire un cours à partir d’un seul ouvrage scolaire et toujours le créer avec le référentiel officiel de la classe devant soi.

      On vient de voir que les ouvrages scolaires sont devenus très complexes à lire et déchiffrer, avec une iconographie de qualité mais qui surcharge quelquefois l’information à tel point que l’élève y trouve rarement son compte et ne peut objectivement pas l’exploiter sans l’aide du professeur. C’est aussi la tache des enseignants de consacrer du temps pour apprendre aux élèves à lire et utiliser leur manuel efficacement.

      Faut il en conclure que le livre n’a plus sa place dans le cartable ? En effet, combien de pages sont utilisées pendant une heure de cours ? Quelques unités tout au plus, ce qui est très faible comparé au volume total. De nombreux professeurs proposent aux élèves de laisser le livre à la maison. En classe celui-ci peut être utilisé autrement, en distribuant des photocopies, en vidéoprojetant les parties concernées par le cours par exemple.

     D’ailleurs, les enseignants proposent souvent des documents photocopiés issus d’autres sources éditoriales[2]. D’un point de vue pédagogique, il n’est pas inutile de rappeler que la multiplication des photocopies n’est pas toujours bien gérée par les élèves, quel que soit leur âge. C’est en particulier le cas lorsque les documents distribués sont multiples et longs car l’élève ne comprend pas toujours quel est le statut assigné à ce papier qu’on lui donne et qu’il doit conserver dans son classeur. Est-ce important, anecdotique, documentaire ?

     Même s’il a l’impression de s’auto-censurer, le professeur veillera à limiter au strict minimum l’usage des photocopies et préfèrera toujours l’emploi d’un vidéoprojecteur ou d’un tableau numérique quand c’est possible.

     Il y a enfin un dernier usage de la photocopie qui peut se rencontrer dans les établissements scolaires : le cours « à trous », constitué de débuts et de fins de phrases, et qui doivent être complétés par « LE » mot important. Il faut clairement affirmer que cela doit être évité car cette méthode n’a aucune légitimité pédagogique. Les professeurs qui la pratiquent affirment ainsi « gagner du temps ». Il faut cependant comprendre que les élèves doivent écrire des phrases complètes pour donner du sens aux apprentissages, former la mémoire, travailler les enchaînements avec des connecteurs logiques appropriés et structurer l’esprit. En conséquence cette technique ne peut être utilisée qu’avec parcimonie, et dans des cas très particuliers.

     

    Le livre disciplinaire et les documents photocopiés



    [1] Le lecteur intéressé par ce sujet pourra consulter le rapport Haby, « cartables et manuels scolaires », qui est fourni et détaillé. Il est édité par la documentation française et peut être téléchargé à l’adresse http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/974071732/index.shtml
    [2] Elles doivent faire l’objet d’un contrôle dans l’établissement car il existe des règles de photocopiage qui en limite l’exercice suite à un accord entre le ministère de l’Education Nationale et les éditeurs.

     


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