• DEBUTER : Le conseil de classe

    Le conseil de classe fait partie des rituels propres à l’éducation nationale. Il est attendu car il termine chaque trimestre et semble laisser penser que tout peut recommencer en remettant les compteurs à zéro, mais son échéance est aussi redoutée. Les élèves savent que leurs résultats et leurs comportements seront commentés, les moyennes seront inscrites sur les bulletins et les avis vont tomber comme des couperets, écrits et paraphés noir sur blanc au bas de la page.

    Pour un élève le conseil de classe peut s’apparenter à une dramaturgie. Les meilleurs d’entre eux attendent une récompense, les félicitations, d’autres espèrent les encouragements, mais les plus en difficulté peuvent craindre le regard des membres de cette commission, et pas seulement d’un professeur isolé.

    Un conseil de classe bâclé, rapidement mené, est une caricature improductive d’une réunion institutionnalisée. Un conseil de classe est un lieu d’échanges, qui parle de la classe et qui prend le temps de considérer l’élève comme un individu qu’on prend au sérieux et pour lequel on montre de l’intérêt. Pendant un conseil de classe des décisions importantes peuvent être prises. Il y a aussi les propositions qui concernent l’orientation, c’est-à-dire en partie l’avenir de chaque élève. Parfois on hésite, on tergiverse. Dans ce cas, pourquoi faudrait il avoir peur de donner sa chance à un élève ? N’est ce pas à lui de montrer son talent, même quand personne ne le lui reconnaît ? Pour éviter d’avoir à traiter trop de demandes d’orientations incohérentes, les professeurs opèrent d’abord en amont par la formulation de conseils et la rencontre avec les parents. En parallèle, le professeur principal récapitule, synthétise, met en perspective, accompagne la maturation du choix et fournit à l’élève les critères de décisions. Dès lors, le conseil de classe participe à la construction du projet de l’élève en donnant des clés pour l’aider à se projeter dans le futur.

     

    Le conseil de classe est présidé par le chef d’établissement, ou son représentant, qui le dirige et en est l’animateur. Il est composé des professeurs, des délégués des élèves et des parents, du conseiller principal d’éducation (CPE), du conseiller d’orientation psychologue (COP), et si besoin d’un personnel de santé. Il se réunit trois fois par an.

    La parole est libre et les propos respectueux des uns et des autres. Les représentants des parents et les délégués des élèves n’ont pas à être seulement tolérés dans cette assemblée. Ils siègent du début jusqu’à la fin et participent au même titre, avec les mêmes droits et devoirs de parole que les autres membres de la communauté éducative.

     

    Tout conseil de classe s’anticipe suffisamment longtemps à l’avance et se prépare. Un bilan est organisé par le professeur principal, à l’oral et à l’écrit, pour connaître l’ambiance de la classe, les problèmes rencontrés, qu’ils soient d’ordres pédagogique ou organisationnels. Chaque professeur, même quand il n’a pas la mission d’être le « principal » a tout intérêt à initier pour sa matière une discussion avec les élèves afin de connaître les difficultés qui concernent sa discipline dont il n’aurait pas conscience. Cela évite les rumeurs et montre aux élèves qu’on écoute leurs problèmes. C’est aussi l’occasion de donner à chacun sa moyenne trimestrielle (sur papier libre, et non à l’oral) et de provoquer un débat sur les évolutions constatées dans la classe, les attendus et les points jugés importants.

     

     

     

    DEBUTER :  Le conseil de classe

     

    dessin de Fabrice Erre, publié dans Le Monde, 25 Novembre 2014

     

    Les bulletins scolaires

    Quelques jours ou quelques semaines avant le conseil, les professeurs remplissent les bulletins scolaires. Leur consultation montre que les avis des professeurs sont principalement axés sur des commentaires de résultats scolaires. La place pour écrire est certes très limitée. Or, le contenu d’un bulletin est un texte écrit et non oral. Par conséquent, son impact peut être lourd de conséquences pour l’adolescent et sa famille qui liront et s’imprégneront des informations inscrites. Il peut d’abord se révéler anxiogène si les mots employés et les idées développées sont soumis à interprétation. Il peut aussi avoir l’effet inverse de celui qui est recherché. En effet, un bulletin qui ne contient que des propos négatifs ou péremptoires ne laisse à l’élève aucun espoir de pouvoir s’améliorer, en terme de comportement ou de résultats. Il s’en suivra généralement la poursuite de la détérioration de son travail et de son attitude en classe.

    On gagne par contre en efficacité à pouvoir développer des idées en évitant les termes imprécis comme « manque de méthode », « travail superficiel », « passable »… En effet, dire à des parents que leur fils ou leur fille manque de méthode ne donne pas les clés pour résoudre cette difficulté. D’autant que les compétences d’ordre méthodologiques dans les différentes matières enseignées ont des points communs mais aussi présentent des aspects singuliers et propres à chacune. De même que signifie le terme « superficiel » ? Que les leçons ne sont pas assez apprises ? Que la réflexion est insuffisante ? Que les exercices sont bâclés ? Et que signifie « passable » ? Si une moyenne de 10-12 est effectivement passable, cela correspond à la grande majorité des élèves, ce qui ne relève pas d’un enthousiasme débridé.

    On comprend donc qu’il faille éviter le simple constat basé sur les résultats qui serait redondant avec la moyenne. Le bulletin est l’occasion d’indiquer aux parents ce que sait faire l’élève et quelles sont les pistes de progrès, quel type d’efforts seront gagnants. En évitant les propos stéréotypés et les formes verbales relevant des automatismes de langage, on peut proposer des appréciations personnalisées, claires, précises, plus efficaces. Par exemple, au lieu d’écrire « qualités et capacités inexploitées », pourquoi ne pas expliquer comment se mobiliser en donnant des conseils explicites.

    Enfin, il faut savoir qu’un élève ne décrypte pas forcément dans les commentaires ce qui est de l’ordre du positif ou ce qui relève de propos négatifs, en particulier quand les expressions sont sujettes à interprétation. Il est important, après la remise des bulletins, d’en faire une lecture personnalisée pendant l’heure de vie de classe. C’est le professeur principal qui s’en charge. Par exemple, il est instructif de demander aux élèves de souligner d’une couleur ce qui relève du positif, d’une autre ce qui est factuel, et d’une troisième couleur ce qui correspond à une demande d’amélioration. Cela permet ainsi au professeur principal de préciser ce qui est écrit pour que l’élève comprenne les demandes exprimées par les enseignants[1].

     

    Pendant le conseil de classe

    Au début, le professeur principal ou un représentant de l'équipe pédagogique expose au conseil de classe les résultats obtenus par les élèves et présente les conseils en orientation formulés par l'équipe. Les délégués des élèves et les délégués des parents ont la possibilité de s’exprimer à cet instant pour exprimer le sentiment général des personnes qu’ils représentent et pour poser quelques questions si ils le souhaitent. Les propos doivent rester respectueux des élèves et des professeurs. Quand on passe à l’examen des cas individuels, les professeurs argumentent chacune de leurs remarques par des exemples toujours factuels, sans porter un quelconque jugement de valeur. Le conseil de classe n'est pas un lieu de règlement de comptes (il n'est pas non plus un tribunal en direction d'un enseignant). On arrête ensuite une position commune en tenant compte non seulement du déroulement de la scolarité mais aussi en prenant en considération des éléments d’ordre éducatif, médical ou social.

     

    Les jeunes professeurs se demandent parfois quelle attitude il faut avoir dans un conseil de classes. Comme dans toute réunion, il n'est pas opportun d'être passif, cela signifierait qu'on ne s'intéresse pas aux élèves, à leurs problèmes, mais il serait tout aussi vain d'adopter un comportement hyperactif qui agacerait  rapidement ses collègues et le président de séance.

    Il s'agit d'écouter les avis de ses pairs, de comprendre les divergences, d'apprendre comment se comporte l'élève dans une autre discipline, d’entendre les remarques des parents ou des élèves, d'échanger. En adoptant un ton courtois, en étant ouvert aux autres, on participe évidemment à rendre l'atmosphère agréable et à éviter de créer du stress qui au final contribuerait à durcir sans raison objective les commentaires portés au bas des bulletins. Le doute bénéficiant toujours à l'élève, une certaine bienveillance s'impose. Le respect vis à vis des collègues s'observe dans la façon d'écouter et de tenir compte des remarques de chacun, quelle que soit la discipline, sans créer une hiérarchie stérile entre les matières enseignées.

    Si le jugement porte effectivement sur des faits comme les résultats ou l'attitude en classe et dans l'établissement, on n’oubliera pas de s'intéresser à leur évolution. Si elle est positive, il faut l'indiquer en utilisant un vocabulaire positif, si par contre l'équipe éducative constate des baisses dans les moyennes et des errements en terme de comportement, il est tout autant essentiel de le porter à la connaissance des parents et d'en rechercher les causes.

     

    Après le conseil

    Dans certains cas, lorsque les lacunes sont préjudiciables à la poursuite des études, qu'elles soient de types méthodologiques ou qu'elles portent sur les connaissances, le fossé en terme d'attendus devient si important qu'il est illusoire d'imaginer qu'un surcroît de travail personnel, en autonomie, permettra de remettre de l'ordre à une situation que tous voient dégénérer. Une analyse fine de la situation permettra à l'équipe pédagogique de proposer la mise en place d'un plan personnalisé de réussite, en collège (PPRE) ou en lycée. Dans tous les cas une contractualisation entre lui, les parents et l'école est bénéfique. Le plan définit quelques objectifs à atteindre, pas trop éloignés du niveau de l'élève, et indique clairement quelles compétences sont à travailler pour y parvenir. La remédiation, plus ou moins individualisée, est l’occasion de travailler avec lui autrement, pendant le temps où il est dans l'établissement. Basé sur les compétences, en lien avec les disciplines, les exercices doivent porter sur des capacités précises et pas sur des connaissances. L’apprentissage des leçons, fait à la maison, sera vérifié périodiquement sous la forme d’évaluations formatives. Les méthodes adoptées par les enseignants qui interviennent dans la remédiation se démarquent de celles qui sont mises en oeuvre en classe pour apporter un regard nouveau et différent sur la difficulté rencontrée pour essayer de la résoudre. Ce suivi pédagogique est organisé en lien avec le professeur principal qui assure la coordination globale. Il dure généralement quelques semaines. Un bilan est réalisé à l'issue.

    Cette organisation demande un gros investissement de la part des professeurs qui ne peut se réaliser qu’avec la mise en œuvre d’une stratégie d’ensemble, réfléchie en conseil pédagogique et co-organisée avec l’équipe de direction et les CPE. Quand le fonctionnement est optimisé on entre alors dans une démarche qualité qui est tout à fait profitable aux élèves, et à terme à toute la communauté éducative qui constate des améliorations dans les classes et dans la cour de l’établissement en terme à la fois éducatifs et pédagogiques.



    [1] Certains professeurs principaux profitent d’une heure de vie de classe ou d’accompagnement personnalisé pour demander aux élèves d’écrire leur propre bulletin en amont du conseil de classe. La comparaison avec le bulletin réel quelques jours après, toujours en heure de vie de classe, se révèle d’un grand intérêt. Elle permet à l’élève de mieux lire et comprendre son bulletin et au professeur de l’y aider en montrant où se situent les incohérences de perception et d’avoir un échange individualisé avec lui sur les divergences constatées.


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