• DEBUTER : Redécouvrir un lieu

      

    On se demande toujours s'il est possible de donner des conseils à un jeune professeur ? S'il s'agit de fournir des recettes, des fiches, des trucs, l'opération est irrémédiablement vouée à l'échec. Ce métier s'apprend avec le temps, en analysant ses échecs, ses réussites, en participant à des formations, en regardant comment travaillent les autres collègues de l'établissement. Mais observer ne suffit pas car les pratiques sont diverses et les comportements des uns ou des autres ne sauraient être adaptés à tous. Les erreurs sont fréquentes, les mauvaises habitudes peuvent parfois masquer les bonnes pratiques qu'il serait souhaitable de développer. Faut il voir là une impossible équation à résoudre et se dire que, même avec la meilleure préparation, on entre en classe comme dans une arène, sans défense, à la recherche d’une protection introuvable ?

     

     

    BA du film "Les profs 2" : Une certaine image du métier

     Et dans la vie réelle?

    Les premiers jours de classe restent gravés dans la mémoire de tout professeur et il est préférable de les réussir, non seulement pour les élèves, mais aussi pour soi, pour se convaincre que ce choix qui a été fait quelques années plus tôt de devenir professeur est le bon.

    La peur de se retrouver seul fasse à la classe est forte. Elle est normale, elle crée un stress positif pour mettre ses sens en éveil, pour mieux contrôler ses faits et gestes, et maîtriser sa parole. Tous les ans, en septembre, cette crainte de « rater la rentrée » ressurgit chez tous les professeurs. Et même si avec le temps elle s'atténue, elle ne disparaît jamais totalement.

    Pour la surmonter, chacun se met en condition les jours qui précèdent la rentrée. La pré-rentrée est un moment capital pour le nouveau professeur qui va lui offrir l’occasion de faire une mue, passant de la posture d’étudiant à celle d’enseignant. Il va ainsi découvrir un rituel de la rentrée dont la forme quelque peu solennelle participera à la transition vers une prise de fonction réussie. Ce sera l’occasion pour lui d’entendre le chef d’établissement rappeler les résultats au brevet ou au baccalauréat et indiquer les orientations qu’il souhaite insuffler au cours de la nouvelle année scolaire. C’est aussi le moment pour lui de se situer, au sein de l’équipe disciplinaire, et de faire connaissance avec l’ensemble des personnels. C’est l’instant « magique » où on reçoit son premier emploi du temps de professeur qui va donner l’occasion de se projeter dans la fonction.

    L’établissement dans lequel on est nommé, c’est d’abord un lieu. Certains endroits sont familiers de l’ancien élève qu’il fut, comme les salles de classe, le CDI, le bureau des CPE ou la cour, d’autres sont moins connus comme le secrétariat, l’intendance et certains carrément nouveaux, en particulier la salle des professeurs, la reprographie, les laboratoires de langues ou de sciences. Les secteurs symboliques d’un collège ou d’un lycée ont tous une histoire et une organisation qu’il faudra apprendre à connaître et à apprivoiser pour les comprendre et s’en saisir. L’architecture des bâtiments conditionne les flux des élèves, les regroupements, les habitudes. Certains endroits sont ouverts, lumineux, d’autres ont mal vieillis et concentrent les problèmes.

    Accueillir correctement les nouveaux enseignants, en particulier ceux qui débutent, c’est pour le principal ou le proviseur savoir prendre le temps d’une visite détaillée de l’établissement, rassurante, et leur signifier leur nouveau positionnement.

    Issu du concours, le professeur sera accompagné par un de ses collègues plus expérimentés, un tuteur, qui aura été proposé par les corps d’inspection. Si celui-ci enseigne sur le même site, la visite se poursuivra naturellement avec lui. Sinon, il rejoindra ses collègues qui compléteront les explications sur l’organisation interne.

     

    Au cours de cette première journée, il devra aussi aller au secrétariat de direction pour signer quelques papiers administratifs, se rendre à l’intendance pour retirer ses clés, sa carte de photocopie, et acheter éventuellement un carnet de tickets repas. Après la réunion d’équipe, il faudra aussi entrer dans les salles de classe qu’il occupera pour en avoir une vision claire et pouvoir se mouvoir facilement quand les élèves seront présents. C’est l’occasion de voir si celles-ci sont équipées en TNI/VPI, si les tableaux utilisent des marqueurs ou des craies, si des ordinateurs sont présents pour l’appel.

    Cette journée de pré-rentrée terminée, de retour chez soi, l’excitation encore présente il sera parfois difficile de s’endormir correctement. Un sentiment étrange d’excitation va se mêler à la crainte de ces premiers jours redoutés et néanmoins attendus avec impatience, la véritable rentrée, celle où il faudra accueillir les élèves et commencer les premières leçons.

     

    A cet instant, il s’agit de se poser la question : « quel professeur je veux être ? Pourquoi ai-je choisi ce métier plutôt qu’un autre ? ». La référence à un mentor, un « bon professeur » qu’on aurait eu provoquera au mieux des désillusions, au pire des frustrations et des difficultés. En effet, pour devenir professeur il a fallu à moment donné être bon élève dans la matière qu’on va enseigner, c’est-à-dire scolaire et plutôt attentif, ce qui ne sera pas le cas de tous les adolescents à qui on devra faire cours. S’il y a un conseil à donner, c’est de savoir se défaire de cette posture d’ancien « bon élève » et de se dire que tous, y compris les plus faibles, méritent qu’on s’occupent d’eux. C’est aussi de croire au potentiel d’éducabilité des individus, se dire qu’on peut faire progresser tout le monde. Pour cela il faut apprendre à regarder les bons élèves mais aussi les autres, ceux qui parlent trop et ceux qui se taisent tout le temps, ceux qui ont naturellement soif d’apprendre et ceux qui demeurent passifs, ceux qui sont rapides et ceux qui sont laborieux.

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