• Les liens avec les parents

     Face à un médecin, le patient est en droit de comprendre sa maladie et la prescription qui lui est proposée. L’époque où le malade acceptait le remède sans discuter est révolue. Les médecins, à l’instar des professeurs s’en plaignent, pensant qu’on ne fait plus suffisamment confiance à leur savoir, leur déontologie et leur expérience professionnelle.

    Les familles douteraient-elles des professeurs ? Ces derniers en viennent souvent à se demander pourquoi tant de parents ont des exigences pédagogiques, pourquoi ils écrivent si facilement au rectorat ou au proviseur, pourquoi ils mettent en doute les enseignements et les méthodes.

    Toutes les enquêtes montrent cependant qu’une grande majorité de français éprouve de l’estime pour les professeurs et s’accorde sur leur professionnalité comme sur les difficultés du métier. Toutefois, la confiance dans l’école en tant qu’institution n’est plus aussi forte qu’il y a trente ans et le mur du chômage de masse qui touche surtout les jeunes et les personnes de plus de cinquante ans empêche de se projeter sereinement dans les poursuites d’études.

    Les réactions des parents montrent qu’ils sont inquiets pour leurs enfants. Ils veulent légitimement qu’ils réussissent et qu’ils aient un enseignement à la hauteur des exigences du programme et de la société. Evidemment, leur immiscions dans la sphère scolaire est légitime si elle n’est pas intrusive. Or, la plupart des parents ne connaissent de l’école que ce qu’ils y ont vécu…une ou plusieurs décennies avant. Comme si le temps s’était arrêté, ils ont parfois (souvent ?) une vision passéiste des pratiques pédagogiques et connaissent peu celles qui sont mises en œuvre dans les classes aujourd’hui.

    Oui, certains parents sont de mauvaise fois ou veulent imposer leur point de vue. Mais pas la grande majorité d’entre eux, qui reste démunie face à l’école et en demande de réponses, non pour juger mais pour comprendre. Il ne faut pas confondre ce désarroi avec une forme de démission. Si les parents ne comprennent pas l’école, ils vont chercher ailleurs les solutions aux difficultés qu’ils rencontrent avec leurs enfants, en particulier quand l’Ecole n’est pas porteuse d’espoir. Ne nous cachons pas non plus, comme dans toutes les professions, que s’il existe d’excellents pédagogues, si la plupart des enseignants sont consciencieux et travaillent sérieusement, certaines pratiques sont aussi de qualité médiocre, voire discutables. Les mots, les faits, les comportements, les réussites aux examens sont les armes du professeur pour convaincre les plus récalcitrants.

     

    Il faut tout un village pour éduquer un enfant[1]

     

    L’éducation des enfants n’est pas l’apanage de l’Ecole, ni réservée aux parents. Elle est partagée, avec des objectifs en partie communs mais aussi complémentaires. C’est pourquoi les parents investis accompagnent le travail de leurs enfants et veulent participer, à côté du professeur, en soutien de celui-ci, à l’éducation de leurs enfants.

     

    Il faut clarifier dans un premier temps les objectifs de cette volonté commune d’implication des familles et de la demande institutionnelle qui l’accompagne.

    Il existe un postulat qui explique que si les familles se rapprochent de l’école, les enfants réussissent mieux. Or, aucune étude ne valide ou ne contredit cette affirmation. En revanche quand l’enfant sent que ses parents s’intéressent à sa scolarité, il travaille plus et réussit mieux car il veut leur faire plaisir et parce qu’il sent l’importance attachée aux savoirs scolaires. Il n’est pas besoin pour le père ou la mère de connaître Thales ou la Boétie pour faire réciter les leçons du soir. Il suffit d’être présent, le cahier dans les mains.

    On le voit, l’implication des parents ne signifie pas de multiplier les rendez vous mais de les convaincre qu’un suivi régulier à la maison et l’organisation d’un cadre tranquille propice au travail de révision et de structuration favorisent la réussite scolaire.

     

    On nous dit régulièrement que l’époque est à la transparence. Par conséquent les parents voudraient savoir ce que font les enseignants et comment ils travaillent. En réalité il faut nuancer le propos car les parents qui veulent savoir sont ceux qui sont le plus au courant des codes de l’école, c’est-à-dire les parents enseignants, les cadres et les professions intellectuelles pour simplifier.

    Les autres parents viennent peu aux rencontres. Soit parce qu’ils conservent de l’Ecole une image négative, soit parce qu’ils ne comprennent pas le langage pédagogique, complexe et aussi incompréhensible pour beaucoup qu’une langue étrangère. Qu’on songe aux termes couramment employés de dédoublement, de groupes à effectifs réduits, de groupe de compétences, d’enseignement d’exploration, de démarche d’investigation ou de sigles comme AP, TPE, IDD[2]

    Par conséquent, si les familles ne sont pas accompagnées pour décrypter les codes et les mots de l’Ecole, elles s’en détourneront et leurs enfants auront plus de difficultés à réussir un parcours scolaire sans anicroche.

     

    Travailler avec les parents, dans un rapport de professionnalité, dans le but de personnaliser davantage le travail de l’élève. 

    Si les parents vont voir les enseignants, c’est pour parler de leur enfant. Or, si le seul message est négatif et/ou porte sur des résultats insuffisants, quel est l’intérêt d’aller à la rencontre du professeur ? Personne n’est assez masochiste pour s’entendre dire « votre enfant ne travaille pas assez, ses résultats ne sont pas bons, il n’arrête pas de bavarder, il perturbe la classe… ». Même avéré, ce type de commentaire pessimiste et défaitiste peut être vécu comme un jugement de valeur, celui d’une mauvaise éducation qu’ils auraient donné à leur enfant. Les mots peuvent blesser durablement. Paradoxalement, cette peur d’être jugé peut se retrouver chez l’enseignant aussi, à travers une critique des modes d’actions, du travail donné, des contenus des cahiers. Ainsi, pour éviter tout malentendu et toute dérive, l’approche doit être différente pour convaincre et pour tenter de défricher et trouver, ensemble, des pistes de solutions.

     

    On peut noter que le double regard subjectif porté à la fois sur un adolescent qui est aussi un élève fait entrer le débat dans un « conflit dialectique », au cours duquel il peut s’avérer difficile de concilier les points de vue. La présence du jeune est souvent indispensable, en particulier si celui-ci véhicule une information biaisée à la maison. La cohérence du message porté par l’ensemble des adultes est une règle d’or pour convaincre les adolescents. Pour avoir un intérêt, la rencontre devrait commencer par définir sous la forme d’un diagnostic concret les capacités de l’élève, ce qu’il sait faire, et comment il se comporte face à différents types de tâches qu’on lui propose. En mettant en regard des aspects positifs et négatifs, en expliquant à partir d’activités évaluées en terme de compétences, on peut expliquer plus sereinement ce qu’on attend de l’enfant et sur quoi doivent porter les efforts. De plus, en s’intéressant aux réussites de l’enfant en dehors de l’Ecole, on valorise le jeune mais aussi les parents dans leur fonction éducatrice, ce qui permet un échange plus constructif.

     

    Les enseignants sont désireux de voir les parents. S’ils ne viennent pas, les raisons sont multiples et cela ne signifie pas qu’ils sont démissionnaires. Par exemple, on peut noter que les horaires de travail éclatés ne sont pas facilitateurs pour être présents au collège ou au lycée à 17h. Dans certains cas, encore nombreux, les parents perçoivent l’établissement scolaire comme un espace sanctuarisé qui leur est interdit, ou peuvent avoir le sentiment d’être accueillis dans un rapport d’allégeance par rapport à l’Ecole. Il existe aussi de nombreuses familles où on parle mal le français. Dans ce dernier cas il sera utile de savoir quels sont les adultes en interne qui parlent plusieurs langues, qu’ils soient personnels enseignants ou non, pour proposer des rencontres avec ces parents allophones.

     

    On peut regretter que les parents n’ont plus « la foi » dans l’institution scolaire mais est ce si grave ? La société n’est plus la même qu’à l’époque de Jules Ferry, et les demandes sont différentes. La complexité et la diversité des métiers rendent impérieuses l’instruction et le développement des aptitudes personnelles, cette richesse des différences dont la nation a tant besoin. Si la connaissance et l’acceptation de la république et de ses principes doivent toujours faire l’objet d’une explication permanente, le vivre ensemble est confronté aux  aspirations personnelles légitimes mais qui ne peuvent exister au détriment des autres. Le collégien ou le lycéen est devenu aujourd’hui un individu social, ce qui interroge fortement les pratiques des professeurs et les relations parents-professeurs.



    [1] Dicton africain

    [2] Accompagnement personnalisé, travaux personnels encadrés, itinéraires de découverte


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