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    Les référentiels disciplinaires en collège et lycée insistent désormais pour apprendre aux élèves à savoir rechercher de l’information, la trier, la comprendre, l’analyser, l’exploiter. Les professeurs utilisent d’ailleurs très souvent l’outil informatique dans cet esprit, en lien avec les journaux comme en histoire-géographie ou en économie, ou avec des sites d’informations divers, institutionnels ou non, de manière générale.

    Des dispositifs comme les itinéraires de découverte en collège, les travaux personnels encadrés en lycée ainsi que les enseignement d’exploration en seconde ne peuvent s’affranchir de recherches sur le réseau.

    Confrontés quotidiennement à internet, les élèves n’éprouvent pas de difficulté particulière à chercher l’information qui les intéresse, même si le résultat n’est pas toujours pertinent pour répondre à la consigne du professeur. Notons toutefois que leurs méthodes de recherches ne sont pas en général celle des adultes. S’ils utilisent les moteurs classiques comme « google », ils préfèrent souvent débuter par une recherche d’images. Ils font aussi appel au web 2.0 et se partagent les liens fournis issus de leur réseau relationnel.

    L’utilisation de l’ordinateur n’offre plus l’attrait de la nouveauté comme c’était encore le cas il y a peu et les thèmes proposés par les enseignants peuvent les laisser indifférents si il n’y a pas eu un véritable travail préalable d’appropriation dans le groupe classe de la problématique étudiée. Dans ce cas, l’ennui ou le désintérêt seront aussi forts, que le travail soit réalisé en intégrant ou pas l’accès à internet. Lorsque les élèves ont bien compris le champ d’étude, le professeur donne la consigne de travail. Celle-ci doit être parfaitement claire et précise pour que les élèves puissent se lancer dans une recherche d’informations qui a du sens et ne pas se noyer dans le flot de données inutiles, ce qui rapidement les démotivera.

    On voit donc qu’au-delà de l’aspect technique de la recherche d’informations et de son traitement il reste primordial de bien définir les contours de la pédagogie mise en œuvre. Et finalement, celle-ci va prendre la forme d’une méthode d’investigation.

     

    La banque de données disponible sur internet est aussi très utile pour les professeurs, pour illustrer leurs cours. En effet, « youtube » ou « dailymotion » proposent un grand nombre de courtes vidéos pour accompagner les activités de classe ou montrer ce qu’il est impossible de réaliser sur place comme une expérience scientifique dangereuse ou singulière, écouter un orchestre, comparer un ensemble d’œuvres picturales disséminées dans des lieux divers…

    Les sites académiques, les sites des éditeurs et ceux des professeurs offrent de nombreux exemples de cours, exercices ou activités expérimentales, sportives qui permettent à chacun de construire sa progression. Bien entendu, chaque professeur est responsable de son enseignement et nul ne peut se retrancher derrière une mise en ligne quelconque pour justifier une leçon hors sujet ou de qualité médiocre. La responsabilité éducative est le pendant de la liberté pédagogique.

     

    Enfin, on ne peut terminer ce paragraphe sans évoquer la fonction de professeur documentaliste. Celui-ci va avoir une mission très importante de veille documentaire, en lien avec ses collègues disciplinaires. Il devra aussi opérer la transition vers un « CDI numérique », c’est-à-dire moins axé sur des ressources papiers. On peut même envisager une quasi disparition des livres dans les CDI au profit de journaux, revues et de postes informatiques. Le professeur documentaliste qui accompagne déjà les élèves dans l’acquisition de compétences de recherches d’informations utilisant les ressources numériques, deviendra un référent incontournable et verra son rôle pédagogique et son importance croître dans les années à venir. Il pourrait avoir aussi pour mission d’apprendre les règles de diffusion des contenus, d’expliquer leurs statuts juridiques et de manière générale de faire comprendre aux élèves qu’ils ont une responsabilité réelle et non virtuelle quand ils utilisent internet.

     


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  • Un film documentaire sur un projet citoyen


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  • Les pages de ce blog sont publiées pour aider les jeunes professeurs à appréhender un environnement professionnel complexe mais aussi pour contribuer aux débats qui font vivre l'Ecole et la font évoluer.

    Bruno Mombelli, Inspecteur d'académie, Inspecteur pédagogique régional


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  • Les bouleversements de la Révolution et de l’Empire 

     

    Comment, en cette époque de changements immenses, la Révolution française pouvait elle oublier l’éducation et l’instruction ? Presque tous les grands Hommes qui ont façonné l’Histoire de cette époque ont disserté sur ce thème. Il faut dire que l’enjeu est énorme : Si on veut changer profondément les mentalités dans la société, il faut impérativement s’attaquer à l’éducation des masses. En outre, n’oublions pas que le XVIII° siècle est celui des lumières et celui des grands bouleversements scientifiques et techniques qui laissent présager des jours futurs plus faciles. On révolutionne la mesure des poids, des longueurs, du calendrier, de l’arpentage.  

    De tous les projets de réformes qui sont proposés dans ce domaine, on remarquera que l’aspect éducatif est érigé en principe absolu. L’acquisition des connaissances, bien qu’elle soit considérée comme indispensable n’est pas le fondement des textes proposés. L’éducation est celle du citoyen c’est donc avant tout un projet politique. Dans un rapport écrit par Talleyrand en 1791[1], il est mentionné que l’instruction vise d’abord à enseigner aux hommes la connaissance de la constitution, pour la défendre, pour la perfectionner. Il ajoute qu’il est vital aussi de se préoccuper de la morale. Par conséquent, lire, écrire et compter ne peuvent être que des moyens mis au service d’un plus grand idéal. 

    Il s’agit donc pour les hérauts de la révolution de créer une éducation nationale, dans le sens où l’instruction fournie aux enfants est avant tout au service de la nation. Comme l’indique Jacques Julliard dans son livre « Les gauches françaises », même Danton se convainc de l’utopie éducative qui règne à cette époque :  

    « Quand vous semez dans le vaste champ de la République, vous ne devez pas comptez le prix de cette semence. Après le pain, l’éducation est le premier besoin du peuple… Allons donc à l’instruction commune. Tout se rétrécit dans l’éducation domestique, tout s’agrandit dans l’éducation commune. Et moi aussi je suis père : mais mon fils ne m’appartient pas : il est à la République. C’est à elle de lui dicter les devoirs pour qu’il la serve bien ». 

    Cependant, on voit bien les dangers de dérives totalitaires de ce type de programme qui ne sera jamais mis en place. En revanche, la Révolution française a marqué le monde de l’éducation comme dans bien d’autres domaines. En particulier l’idée d’une responsabilité et d’un contrôle de l’Etat en la matière. 

     

    De grands personnages comme Rousseau et Condorcet ont exprimé des idées qui ont marqué les consciences et qui ont été déterminantes dans l’esprit de certaines réformes futures. Mais la question originelle de savoir si l’éducation est d’abord centrée sur l’individu pour développer son potentiel personnel ou si elle est avant tout au service d’un idéal collectif se pose toujours avec acuité en France. 

     

    Sous l’ancien régime et au début de la révolution française l’enseignement était donné dans des collèges par des professeurs (qu’on appelait en général des régents) dont la plupart avaient reçu les ordres religieux et étaient ordonnés prêtres. Pour organiser le recrutement en nombre de ces enseignants, l’agrégation est instituée en 1766. En 1791 le concours est supprimé, jusqu’en 1821.  

    Des changements importants apparaissent à la révolution qui voit disparaître la plupart des collèges de l’ancien régime. On leur substitue les écoles centrales. Ce sont des écoles laïques. Les autorités religieuses n’interviennent plus dans leur contrôle et il n’y a plus d’enseignement du fait religieux. De plus l’internat disparaît. Enfin, les matières enseignées sont désormais choisies par les élèves, ce qui a pour conséquence de diminuer l’influence des matières académiques littéraires au profit des matières scientifiques et de l’histoire. 

     

    Les lycées sont créés par le consulat le 11 floréal an X (1° mai 1802). Ils remplacent en fait les écoles centrales pour rétablir un ordre et une organisation qui avaient disparu. Les internats sont rétablis, et des cours d’éducation morale et religieuse remis en place. On rétablit les classes et les humanités réinvestissent le champ des matières importantes enseignées. On conserve toutefois le principe d’un enseignement scientifique fort car le siècle des lumière a montré l’importance pour la nation de former des ingénieurs et des cadres techniques de qualité, en particulier pour pourvoir l’armée et pour créer les routes et les ouvrages d’art dont le pays a besoin pour favoriser le commerce. 

    Les lycées sont des institutions d’Etat, c’est-à-dire contrôlés par lui, et administrés par un proviseur, un censeur, un économe[2]. Le régime est de type militaire. 

    Le baccalauréat est créé sous l’Empire, en 1808, deux ans après la mise en place de l’Université impériale. C’est un des trois grades d’Etat institué à cette époque, avec la licence et le doctorat. La première promotion ne compte que 21 bacheliers. On attendra 1861 pour voir la première femme bachelière. En 1913, à la veille de la première guerre mondiale, on ne compte que 7582 diplômes du baccalauréat délivrés en France, dont 311 bachelières. Le lycée est considéré alors comme l’élément clé dans l’architecture éducative de l’état. Les inspecteurs généraux étant chargés de contrôler le bien fondé de l’ensemble. 

     

    Les hussards noirs de la troisième république, la structuration du primaire et du secondaire 

    Si les lycées sont la tête de proue de la formation des élites françaises au 19° siècle, il faut considérer que leur faible nombre (à peine 85 en 1882) ne permet pas de scolariser l’ensemble des élèves qui poursuivent des études « secondaires »[3]. Les établissements locaux, les collèges, suppléent pendant de nombreuses décennies à ce besoin identifié. En effet, l’Etat ne dispose pas de moyens financiers suffisants à cette époque pour financer des lycées sur tout le territoire national.  

    Au moment de la Restauration les lycées changent de nom et deviennent des collèges royaux. Ils retrouvent leur appellation de lycée sous la seconde république. A partir de 1880 des lycées de jeunes filles sont créés. La mixité dans les établissements est récente puisqu’elle n’apparaît que dans la seconde moitié du 20° siècle. 

    Il faut voir le lycée du 19° siècle comme un établissement de petite taille, équivalent à un petit collège actuel, qui scolarise surtout des élèves dans les classes élémentaires ou dans le premier cycle « secondaire ». 

    Il est intéressant de constater qu’au 19° siècle il y eut une volonté politique de construire deux organisations administratives parallèles, primaire et secondaire, l’une entièrement contrôlée par l’Etat et l’autre organisée par les responsables locaux avec des influences d’institutions religieuses plus ou moins affirmées, dépendant du lieu sur le territoire national. Il s’agissait d’abord de pouvoir répondre à la demande sociétale d’augmenter le niveau d’instruction moyen et le nombre de cadres. Ces deux structures se sont rapidement opposées à travers les modes de formations des maîtres : l’école normale d’instituteurs avec une conception généraliste et pédagogique affirmée et la formation universitaire spécialisée pour les professeurs de collèges et lycées. 

     

    Une lente évolution vers le collège unique 

     

    On peut être surpris de l’évolution sémantique de certains termes, comme « primaire » et « secondaire ». Aujourd’hui, ils correspondent à deux niveaux d’enseignement précis, l’un faisant référence à la maternelle et l’élémentaire, l’autre au collège et au lycée. Hier, ils caractérisaient deux modes différents d’enseignement, avec des logiques propres. 

    Au XIX° siècle et au début du XX° siècle, les réseaux d’éducation se structurent. Il existe en France : 

    -         Le réseau secondaire, avec : 

    I          Des lycées (payants) qui relèvent de l’état et dont les professeurs sont des agrégés. Les classes vont du cours préparatoire à la terminale. 

    II        Des collèges (payants), qui sont des établissements municipaux dont la gestion appartient à la ville. C’est elle qui rétribue les professeurs. L’objectif des municipalités est de conserver les bons éléments en proposant un enseignement comparable à celui du lycée. Le niveau y est cependant inférieur. 

     

    -         Des écoles primaires, gratuites. Pour répondre à la demande sociale d’élévation du niveau scolaire qui s’accroît tout au long du XIX° siècle, le réseau primaire est fortement actif. Il crée des écoles primaires supérieures (EPS) qui permettent de préparer le brevet. Au début de la troisième république, les républicains en augmentent fortement le nombre, à partir de 1880. Cependant, du fait d’une forte demande restée insatisfaite, on crée en parallèle des cours complémentaires (CC). Ils sont aux EPS ce que représentent les collèges par rapport aux lycées : les professeurs sont moins formés et le niveau des cours plus faibles. Enfin, pour répondre aux besoins professionnels, les EPS créent des sections professionnelles. 

     

    Ainsi, on peut noter que dans les années 1900 il y a environ 40 000 garçons et 20 000 filles scolarisés dans les EPS, tandis que le réseau des collèges et des lycées est fort de 60 000 garçons et 10 000 filles. On remarquera que la scolarité payante du secondaire bénéficie en priorité aux garçons. 

     

    Pour simplifier l’organisation des études, RIBOT met en place une réforme (1902) en proposant des cycles. Le 1° cycle commence en sixième et se termine en troisième. Il est divisé en deux sections notées A et B. Celles-ci sont distinctes par les enseignements, en particulier la présence ou non du latin. Le deuxième cycle, après la troisième, est scindé en quatre sections : latin-grec (A), latin-langues (B), latin-sciences (C) et langues-sciences (D). 

     

    Après le conflit dévastateur de 14-18, il apparaît une crise profonde du système d’enseignement français. Du fait de la forte dénatalité liée à la perte des jeunes hommes sur le front et à la demande de main d’oeuvre pour reconstruire le pays, le nombre d’enfants scolarisés est deux fois plus faible que dans les années qui ont précédé la guerre. Il faut noter aussi que de nombreux bâtiments sont détruits. Le ministère encourage par conséquent fortement les rapprochements entre les Ecoles Primaires Supérieures (EPS), les collèges et les lycées. C’est ce qu’on nomme « l’amalgame ». Comme les familles sont aussi financièrement dévastées, les élèves fuient les collèges et lycées pour aller dans les EPS. Pour sauver le secondaire, l’Etat décide la gratuité des études dans tous les systèmes. 

    On peut dès lors imaginer qu’une école moyenne unique va se mettre en place afin de brasser les origines sociales des enfants. Après tout, selon l’expression connue, « puisque les pères ont usé leurs culottes dans les mêmes tranchées, leurs fils peuvent bien s’asseoir sur les mêmes bancs ». 

    Mais l’opposition des directeurs et des enseignants est farouche, le temps passe, les réformes sont retardées. La contrainte numérique n’est plus présente dans les années trente, suite au mini baby boom qu’a connu la France après guerre. La réforme est alors remise à plus tard. En 1941 les EPS sont toutefois intégrés dans le secondaire par le ministre CARCOPINO, pas encore les cours complémentaires qui sont rebaptisés Collège d’enseignement général (CEG) lors de la réforme du ministre de l’éducation Jean BERTHOIN en 1959[4]. En même temps, les centres d’apprentissage deviennent des collèges d’enseignement technique (CET). Les enseignements en 6° et 5° sont communs dans toutes les structures (lycées, collèges, CEG, CET) pour favoriser l’orientation à l’issue de la 5°, mais la poursuite d’étude dans les filières générales s’effectue dans la filière secondaire (collège et lycées). Cette réforme BERTHOIN s’accompagne aussi de l’allongement de la scolarité de 14 à 16 ans mais échoue sur l’axe principal : l’orientation qui ne devrait pas tenir compte des facteurs sociaux mais seulement des aptitudes des individus pour les différents types d’étude. Cela ne donne pas les résultats escomptés. 

     

    Malgré les soubresauts, le sens de l’Histoire est à la création du collège unique. Cela s’opère progressivement. En 1963, la réforme CAPELLE crée les collèges d’enseignements secondaire (CES) qui intègre les classes de lycées correspondantes. La demande sociale d’éducation explose. On crée 2 500 collèges en 10 ans. La carte scolaire est définie à cette époque. C’est le début de la massification de l’enseignement secondaire, au niveau du collège. Elle ne s’opèrera dans les lycées qu’à partir des années 1990, avec les mêmes difficultés pour les enseignants de devoir s’adapter à un public nouveau, plus hétérogène, plus complexe à gérer. 

    Le débat de savoir qui des instituteurs ou des professeurs doivent enseigner au niveau du collège est vif. Le président POMPIDOU, agrégé de lettres, est hostile à toute primarisation du secondaire. Or, le nombre croissant de CEG conduit à former des instituteurs à un niveau minimum du bac +2 et à la création du corps bivalent des « Professeurs d’enseignement général des collèges » (PEGC). 

     

    Dans les années 70 l’enseignement se transforme et s’accompagne de changements profonds dans les programmes et d’initiatives intéressantes dans les méthodes pédagogiques. On commence à parler de pédagogie de projet ou de pédagogie par objectifs. L’enseignement expérimental n’est plus seulement le fait du maître qui présentait traditionnellement une expérience de cours pour illustrer son propos. 

    D’un point de vue des organisations scolaires, la réforme HABY supprime les CES et les CEG en 1975 pour instaurer le collège unique. C’est un pas important vers la démocratisation du collège et la simplification de l’offre de formation. Si désormais les clivages sociaux n’apparaissent plus aussi visiblement avec l’établissement de classes hétérogènes et la disparition de ces deux types d’établissements, l’un scolarisant plutôt une population aisée et cultivée et l’autre plutôt rurale ou citadine populaire, on constate une lente dérive des méthodes pédagogiques du collège vers celles employées dans les lycées. Les PEGC alignant d’ailleurs leurs pratiques sur celles des certifiés. Progressivement les PEGC n’enseignent plus qu’une seule matière. En 1986 le ministre MONORY met fin à leur recrutement et les professeurs issus du primaire disparaissent progressivement, appauvrissant certainement la connaissance des acquis des jeunes arrivants au collège. Pour pallier à cette difficulté liée au fossé qui se creuse progressivement entre le CM2 et le collège et qui met en difficulté de nombreux élèves entrants en 6°, on rapproche l’école élémentaire et le collège à l’intérieur de l’Ecole du socle commun qui peine encore à être acceptée par certains professeurs. En parallèle, il est mis en place avec plus ou moins de bonheur des liaisons école-collège sur tout le territoire, ainsi que des PPRE passerelle entre le CM2 et la 6° (projet personnalisé de réussite éducative). Désormais, ces liaisons sont officialisées dans le cadre du « conseil école-collège ». Signalons aussi que la disparition des CES et le brassage inhérent des populations qui s’en est suivi a été très mal vécue par les professeurs qui n’ont certainement pas été assez accompagnés dans cette transition, d’où le ressenti longtemps exprimé contre le collège unique. On ne peut pas non plus oublier qu’à partir de 1981 la politique de l’éducation prioritaire a eu un impact fort sur les organisations locales et la mise en réseau des établissements pour trouver des solutions concrètes et contextualisées à des problématiques complexes, en lien avec la politique de la ville. Cela fera l’objet d’un autre paragraphe. 

     

    Et pendant ce temps…le lycée évolue

    Au cours du temps, le lycée a progressivement perdu ses « petites classes » pour ne conserver que les trois derniers niveaux de la seconde à la terminale[5]. Certains lycées accueillent aussi des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) ou des sections de techniciens supérieurs (STS). Cependant, pendant près de deux cent ans le lycée était d’abord le lieu de la voie classique, celle qui prépare aux études supérieures à l’Université.

    Or, la demande des entreprises pour disposer de salariés disposant de compétences moins généralistes et plus techniques, mais avec des qualifications supérieures à celles du CAP, diplôme obtenu trois ans après la classe de 5°, a conduit les gouvernements à envisager la création du BEP et du baccalauréat technique dans les années 60[6]. Le BEP sera obtenu en deux ans après la classe de troisième. La réforme BERTHOIN de 1959 crée les lycées techniques dans lesquels s’organiseront les enseignements de BEP et baccalauréat technique. Le certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement technique (CAPET) est instauré. En 1965, le baccalauréat de technicien est créé. Le dispositif est complété par la création des Instituts Universitaires de Technologie (IUT) en 1966 afin de répondre à la demande de poursuite d’études de ces bacheliers. Les lycées techniques ont permis le développement d’une industrie à haute valeur ajoutée, puisque celle ci pouvait disposer de personnels formés à différents niveaux pour occuper tous les postes proposés.

     

    Pour répondre à la demande légitime des catégories sociales moins favorisées qui souhaitent que leurs enfants poursuivent des études jusqu’au baccalauréat, et pour lutter contre le fléau du chômage des jeunes peu qualifiés, un baccalauréat professionnel sera créé en 1985. Les premiers diplômes sont délivrés en 1989. L’objectif affiché est clair et explicite, le système éducatif français ambitionne d’atteindre 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat. Il s’en suit logiquement une disparition du BEP dans les années 2000, même si celui-ci est encore délivré de manière symbolique.

    On pourra noter que le baccalauréat professionnel s’est imposé par l’espoir qu’il a fait naître chez beaucoup de jeunes et de parents qui voyaient la reconnaissance de l’enseignement professionnel par rapport à l’enseignement général ou technique avec une égale dignité. Cependant, les employeurs sont restés un moment méfiants vis-à-vis de ce nouveau diplôme car leurs inquiétudes portaient à la fois sur le niveau de compétences professionnelles et les changements qu’il risquait de provoquer au niveau des grilles salariales. Il fut toutefois progressivement admis au point de mettre en difficulté le baccalauréat technique.

     

    Une réorganisation profonde des lycées apparut alors rapidement obligatoire, sous l’effet du cisaillement de la voie technique par le général et le professionnel (avec un risque de disparition), et pour clarifier les orientations post bac.

     

    Il s’en suivit une réforme des lycées qui visait à simplifier l’offre de formation au niveau secondaire, accroître les compétences des élèves de la voie appelée désormais « technologique » et rendre cohérente l’orientation post bac avec le type d’étude opérée.

    Si le baccalauréat reste le premier diplôme universitaire, il n’en demeure pas moins vrai que les titulaires d’un baccalauréat technologique et surtout professionnel ont très peu de chances de réussir à l’Université, sauf à imaginer des accompagnements spécifiques.

     

    Ainsi, les sections de techniciens supérieur devraient dans l’esprit du législateur recruter prioritairement les élèves de la voie professionnelle, les instituts universitaires technologiques (IUT) se concentreraient sur la voie technologique et les titulaires d’un bac général iraient à l’Université ou en classes préparatoires.

    Ces évolutions prennent un peu de temps, mais on constate que la volonté politique est forte pour parvenir rapidement à ce type d’organisation. En effet, le chômage qui touche les jeunes est endémique, insupportable et ne pourra trouver une solution que si les plus qualifiés ne prennent pas les places de ceux auxquelles elles sont destinées.



    [1] Talleyrand, « rapport sur l’instruction publique », dans Bronislaw Baczko, « une éducation pour la démocratie, textes et projets de l’époque révolutionnaire » p116

    [2] On retrouve le triptyque actuel proviseur/CPE/intendant 

    [3] terme pris avec sa signification actuelle

    [4] Le collège d’enseignement général (CEG) a disparu à la suite de la réforme Haby (1975)

    [5] On parle ici du lycée général. Aujourd’hui, le lycée professionnel héberge la troisième DP6 (découverte professionnelle six heures) dans ses locaux. 

    [6] Certificat d’aptitudes professionnelles (CAP) et brevet d’études professionnelles (BEP). L’obtention du BEP permet aux meilleurs élèves d’envisager une poursuite d’études en première technique.


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  • Les Inspecteurs[1] le savent bien, les meilleures réformes, les seules qui ont réellement un impact sur la réussite des élèves sont celles qui aboutissent dans la classe. En 2002, le ministre de l’Education Nationale Xavier Darcos évoquait d’ailleurs le « harcèlement textuel » qui émanait de l’administration centrale et qui ne parvenait pas jusqu’aux principaux utilisateurs du système scolaire.

    Une classe représente à la fois un lieu, la salle de classe et un groupe humain, les élèves avec leur professeur.

    Cet espace cloisonné est régi par des règles de fonctionnement. Le professeur est garant de leur respect et de leur application et les élèves doivent s’y conformer. Faisons en sorte que ce lieu ne soit pas symboliquement fermé sur lui-même car la classe doit s’ouvrir sur le monde extérieur, social, économique, physique, culturel et institutionnel. Et d’ailleurs, nombre de professeurs aujourd’hui ouvrent symboliquement la porte pour signifier cette porosité bénéfique, mais aussi pour montrer que les apprentissages dans la classe sont transposables en dehors de la classe.

     

    L’âme d’un cours traverse les frontières de l’Ecole pour s’enrichir de la pensée du monde

     

    Entrer dans une salle de classe, s’asseoir derrière un bureau, respecter le maître, répondre aux consignes de travail ne va plus de soi aujourd’hui. Les sollicitations sont diverses et multiples, le professeur n’est plus le puits de sciences auquel on pouvait s’abreuver pour s’instruire et grandir et le prestige de l’Institution n’est plus aussi ferme qu’il l’était il y a quelques décennies encore[2]. Et pourtant, les adolescents comme les parents le savent, l’Ecole reste toujours le meilleur endroit pour apprendre. Il apparaît donc des tensions que les professeurs doivent résoudre pour se faire respecter et écouter. Par un comportement au quotidien irréprochable (ils restent un modèle d’adulte), des explications claires, logiques et percutantes pour traduire et comprendre le Monde et enfin par les interactions qu’ils savent nouer avec leurs élèves, ils sauront parfaitement remplir la difficile mission d’instruction et d’éducation qui leur est confiée par la Nation, malgré la gêne et la fatigue qu’occasionnent les bavardages, l’indiscipline et les tracas récurrents.

     

    Il ne faut jamais l’oublier, l’Ecole est avant tout le lieu dans lequel on forme un citoyen et un futur adulte. Ce qui signifie apprendre à acquérir et respecter les codes de la démocratie. La classe doit par conséquent être un lieu de débat et d’écoute, une sorte « d’Ecclesia » moderne[3]. Si le professeur n’est pas là pour imposer une Doxa il veille à montrer que toutes les opinions ne se valent pas et lutte contre un relativisme inopérant ou pire contre les valeurs qui menacent l’Ecole, le savoir, l’humanité. Combien de professeurs d’histoire sont régulièrement conspués quand ils évoquent les conflits israélo-arabes, ou quand ils abordent l’esclavage et le colonialisme. Combien de professeurs de SVT peuvent se retrouver en difficulté quand ils enseignent la théorie de l’évolution ou la sexualité ? Combien de professeurs d’Education physique et sportive doivent argumenter pour former des groupes mixtes ?

    Rester ferme sur les valeurs de la république nécessite parfois d’expliquer, mais de garder toujours son calme. Rendre compte d’une théorie ne signifie pas qu’il faille imposer une vision morale aux élèves[4].

     

    Pour construire cette citoyenneté, le professeur a la responsabilité de garantir la sécurité intellectuelle et l’intégrité physique de chaque élève. Il ne peut pas y avoir de « chef de bande » qui fasse régner un ordre nauséabond dans l’enceinte de la classe et l’esprit de ses condisciples. Tous doivent être en possibilité de réfléchir et communiquer librement, sans être menacé du regard, sans risquer de quelconques représailles immédiate ou future. Il faudra refuser toute forme d’humiliation verbale  de la part des autres élèves, ni se laisser entraîner dans ces dérives en tant que responsable de l’ordre dans la classe. A ce titre il est recommandé de manier l’humour avec prudence et être conscient que ce qui se passe dans la classe peut avoir des répercussions en dehors.

     



    [1] Inspecteurs d’académie - inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR) et Inspecteurs de l’éducation nationale (IEN)

    [2] François Dubet a théorisé cette crise de l’institution scolaire dans de nombreux ouvrages. Voir bibliographie.

    [3] Dans l’antiquité grecque, l’Ecclesia représente l’assemblée des citoyens

    [4] Rappelons la lettre aux enseignants rédigée par Jules Ferry en 1883 à propos de l’application de la loi sur l’enseignement moral et civique ;


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