•  La laïcité est une des principales valeurs de la République française. Au-delà du concept si particulier à notre pays et que peu de nations ont érigé en acte fondateur comme la France, il faut entendre ce principe comme un moyen pour l’Etat de pacifier les tensions qui sont apparues dès la Révolution française entre les tenants d’une tradition régalienne et chrétienne et les fervents défenseurs d’une séparation de la foi et des affaires publiques.

    En effet, sous la Révolution il est instauré un état civil obligatoire pour tous les principaux actes de la vie (naissance, mariage, décès). Un baptême civil est même mis en place. Le calendrier est républicain et possède ses martyrs à l’instar des saints du calendrier catholique. Pour clarifier et pacifier la situation confuse qui règne dans le pays, Bonaparte propose le concordat, c’est-à-dire la reconnaissance officielle des cultes catholiques et protestants (et quelques années plus tard judaïque). Les évêques sont nommés par le gouvernement avec l’accord de la papauté. Ils sont rémunérés comme les prêtres et les pasteurs par l’Etat.

     

    Cependant, les liens entre la religion catholique et l’Etat restent tumultueux tout au long du 19° siècle et les difficultés s’intensifient après l’instauration de la troisième république. Comme le rappelle Jacques JULLIARD[1], il y a en réalité deux conceptions de la laïcité : la première repose sur l’abstention devant le fait religieux, la seconde sur la neutralité, c’est-à-dire le traitement égal de toutes les opinions religieuses. La première laïcité est celle des républicains du début du 20° siècle ; la seconde, plus proche de la problématique contemporaine, qui tend à abolir l’exception religieuse au profit d’une conception de l’objectivité scientifique. Si, dans la deuxième moitié du 19° siècle l’école s’organise en tant qu’institution républicaine, il est nécessaire de clarifier de nouveau la situation à l’orée du siècle suivant. Dès lors, le principe de laïcité est clairement mis en avant pour entériner les évolutions qui ont débouché sur une « nouvelle carte de l’instruction » et provoque la séparation de l’Eglise et de l’Etat par la promulgation d’une loi en 1905.

    Par la suite, le législateur confirmera cette prise de position : La laïcité est inscrite dans la constitution française depuis 1946. Elle souffre cependant aujourd’hui des tensions identitaires qui traversent le pays depuis une trentaine d’années et qui s’accentuent dernièrement avec un regain du sentiment religieux qui apparaît de manière diffuse chez les musulmans mais aussi dans les cercles catholiques traditionnels. On peut cependant noter que les problèmes les plus aigus ne se posent pas seulement à l’école, mais aussi dans les armées, les hôpitaux et les prisons.

     

    A la demande du ministre de l’éducation nationale, le conseil d’Etat a rendu un avis le 27 novembre 1989 statuant sur le port du voile à l’école. En 2003, une commission d’experts, présidée par Bernard STASI, est chargée d’apporter une réflexion nouvelle sur la question de la laïcité. Celle-ci débouche sur une loi votée le 15 mars 2004 puis sur une circulaire en mai précisant quelle tenue est acceptée à l’école, et quels sont les signes apparents autorisés.

    En 2013, une charte de la laïcité est écrite afin de préciser, à l’aide d’un discours positif, ce que recouvre cette notion complexe, mais aussi quels sont les droits et les devoirs de chacun en regard de la religion à l’école.

    Si la commission STASI a proposé aussi que les fêtes religieuses juives et musulmanes du Yom Kippour et de l’Aïd el-Kebir soient aussi des jours fériés dans les écoles, cette préconisation n’a pas été retenue à ce jour.

     

    D’un point de vue juridique, la laïcité repose désormais comme on l’a vu sur la neutralité de l’Etat en matière religieuse, ce qui impose l’égalité devant la loi de tous les citoyens, « sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Il apparaît alors un principe de respect de la liberté de conscience et de culte qui entraîne l’égalité des religions et des convictions (y compris celle de ne pas croire).

    Il n’y a pas de hiérarchie entre les religions, et ceci quel que soit le nombre de fidèles qu’elles fédèrent. Ainsi, l’Etat est garant des libertés religieuses, en particulier vis-à-vis de celles qui sont minoritaires.

     

    A travers ce principe de neutralité, la laïcité se retrouve dans de nombreux textes de lois pour définir la manière de vivre ensemble mais aussi les obligations qui ont trait à l’espace public (pour les usagers comme pour les fonctionnaires ou salariés contractuels du public). La conséquence la plus visible est l’obligation pour l’administration de respecter cette neutralité et d’en porter les apparences vis-à-vis des usagers. C’est ce que le conseil d’Etat nomme le devoir de stricte neutralité qui s’impose à tout agent d’un service public[2]. Si en dehors du service le fonctionnaire est libre de manifester ses croyances et opinions comme bon lui semble, dans le cadre de sa fonction il ne peut en aucun cas montrer une quelconque appartenance religieuse. Toute attitude ou port de signe religieux visible sont interdits. Ainsi, il n’est pas admis qu’un agent puisse arrêter son travail, même pour une courte durée, pour un quelconque acte religieux. Un office ne s’écoute pas à la radio, un téléphone portable n’a pas non plus à sonner pour rappeler l’heure de la prière. Pour des raisons évidentes, l’administration peut ajourner un candidat ou refuser une titularisation d’un fonctionnaire stagiaire si ces règles de droit sont mises en défaut, quelle que soit la qualité de son travail. 

     

    Si la laïcité s’applique sur tout le territoire français, des règles particulières existent pour les trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, ainsi que pour quelques territoires d’Outre mer. Les trois départements d’Alsace-Moselle étant rattachés à l’Allemagne de 1870 à 1919 ils restent soumis au Concordat de 1801. En effet, quand ces départements ont réintégré la France, la nation a choisi de conserver cette « exception » juridique qui a été confirmée par le Conseil Constitutionnel. Pour autant la constitution et ses principes laïques doivent s’appliquer à toutes les régions de France. On voit là que la laïcité est capable « d’accommodation » si les citoyens en sont d’accord. Elle permet ainsi d’affirmer avec force le principe des valeurs fondatrices de la République, tout en s’adaptant à la marge à un contexte local. La question est de savoir qu’est ce qui peut être consenti et qu’est ce qui n’est pas acceptable ? Par exemple, la loi indique que les élèves ne peuvent se parer de signes ou de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse. En revanche des ports de signes religieux discrets sont tolérés (cette tolérance n’a d’ailleurs pas vocation à s’appliquer a priori aux agents). Dans tous les cas concrets qui se présentent à l’école, les professeurs ont tout intérêt à faire preuve de pragmatisme. Avant de prendre une décision hâtive, des explications sont nécessaires, même s’il s’agit tout simplement de rappeler la loi. La plupart du temps, un dialogue avec les familles permet d’apaiser les tensions et de résoudre les problèmes. Mais il est vrai aussi que la loi sur le port du foulard a été très utile pour stopper toutes les dérives qui sont apparues dans les années 80-90 et fait désormais l’unanimité au ministère de l’éducation nationale comme dans les établissements.

     

    Le dossier de l’inspection générale conduit par Dominique BORNE (voir référence dans la sitographie) intitulé « La laïcité au cœur des enseignements » introduit le sujet en indiquant que « l’Ecole a toujours été au cœur des débats de société concernant la laïcité » et montre où se situent les principales difficultés. Ainsi, « Les formes de manquements au principe de laïcité concernent non seulement les signes ostentatoires, mais aussi les refus et contestation d’activités ou de contenus d’enseignement, le racisme et l’antisémitisme, le prosélytisme, le refus et la violence à l’égard des filles. »

    Les disciplines qui font l’objet de la plupart des revendications sont l’histoire-géographie, les sciences de la vie et de la Terre, l’éducation physique et sportive parce qu’elles parlent de l’Homme, de sa place dans la société et dans l’univers et des interactions humaines.

     

    « Celui qui dit qu’un homme a le droit de s’opposer à la loi, dit que la volonté d’un homme est au dessus de la volonté de tous »[3]

     

    En histoire-géographie, c’est en montrant la diversité des modes de vie que l’on peut travailler la notion de tolérance et de respect. C’est aussi cela qui heurte bien sûr les fondamentalistes. Il est aussi important de rappeler que notre pays a un héritage culturel chrétien qui n’est pas incompatible avec l’acceptation laïque actuelle. C’est d’ailleurs parce que le pays a connu des moments de guerres civiles tragiques et meurtrières qu’il a construit ce corpus de valeurs qui lui est propre.

     

    En sciences de la vie et de la terre, deux thèmes d’étude sont à l’origine des refus observés. Le premier concerne la notion d’évolution darwinienne qui s’oppose à une lecture créationniste du monde. Face aux dénégations d’élèves, le professeur ne peut accepter d’entrer dans un débat qui mettrait sur le même plan un travail scientifique reposant sur des faits, des observations et les déductions qui en découlent et une conception qui repose exclusivement sur une croyance. Le professeur peut alors simplement indiquer qu’il propose une explication de type rationnel, mais qu’il laisse à chacun la liberté de conscience vis-à-vis d’une explication d’une autre nature.

    D’autre part, les polémiques qui se sont exacerbées dernièrement sur la question du « genre » ont montré la difficulté à faire entendre que la discipline des sciences de la vie et de la Terre n’enseigne pas des choix de pratiques sexuelles. Elle indique simplement que les individus sont variés et que cette diversité est le résultat de la génétique et des interactions que chacun entretient avec son entourage familial et social. Là encore la discipline s’attache à montrer une analyse fondée sur des argumentations scientifiques, sans chercher à s’opposer à une conception religieuse.

     

    En éducation physique et sportive, la pratique mixte d’un sport est parfois refusée. C’est tout l’intérêt de l’EPS de montrer que le sport à l’école est avant tout un acte éducatif qui permet la socialisation, une meilleure confiance en soi et le respect de son adversaire.

    Depuis quelques années les activités proposées sont beaucoup plus variées et le sport féminin retransmis à la télévision a montré que les garçons pouvaient se confronter aux filles, dans des équipes mixtes, en adoptant un esprit tout à fait fraternel.

    Il est clair que le problème de la tenue vestimentaire a ressurgi à cette occasion, dans certains endroits, en particulier à la piscine. L’obligation du port d’une tenue conforme à l’activité est bien entendu à mettre en lien avec le respect de la loi sur la laïcité et que l’absentéisme sélectif et de confort ne peut être justifié et accepté.

     

    On voit avec ces exemples que la notion de laïcité fait débat à l’école parce que la génération actuelle des adolescents n’en voit pas les enjeux en terme sociétal. De plus, celle-ci est présentée volontairement par ceux qui la rejettent de façon malhonnête comme une contrainte forte qui limiterait la liberté individuelle de croyance. Or, non seulement il n’en est rien, mais bien au contraire elle protège chacun dans son intimité de pensée. Adossées à un individualisme puissant, les attaques contre la laïcité permettent alors de fédérer de multiples mécontentements de tous ordres qu’il n’est pas toujours simple de contrer seul. C’est pourquoi, la communauté éducative a tout intérêt à rester soudée autour de ce principe fondateur de notre république.

    Récemment, le ministère de l’éducation nationale a rédigé une charte de la laïcité pour présenter sous un angle positif le contenu de la loi et en préciser ses contours. Cette charte dont l’affichage est obligatoire dans tous les établissements publics est appelée à être étudiée et commentée en classe sous la forme de débats. A cette occasion, les professeurs ne manqueront pas de rappeler que la cohésion nationale s’est construite sur un ensemble de valeurs républicaines dont la laïcité est un des principaux piliers. Pour expliquer cela aux jeunes, un kit pédagogique accompagne la diffusion de la charte, afin de préciser par des exemples concrets les contenus et les idées véhiculés par les textes qui la composent.

    Cette charte de la laïcité a aussi été distribuée aux établissements privés. En raison du « caractère propre » qui les identifie, et même si on peut le regretter, les directeurs n’ont pas d’obligation d’affichage de ce document.

     

    Si, comme le rappelle clairement la charte de la laïcité : « La Nation confie à l’Ecole la mission de faire partager aux élèves les valeurs de la République. », terminons ce paragraphe avec les mots que Jules ferry a adressé aux instituteurs dans sa célèbre lettre :

    Vous êtes l'auxiliaire et, à certains égards, le suppléant du père de famille ; parlez donc à son enfant comme vous voudriez que l'on parlât au vôtre ; avec force et autorité, toutes les fois qu'il s'agit d'une vérité incontestée, d'un précepte de la morale commune ; avec la plus grande réserve, dès que vous risquez d'effleurer un sentiment religieux dont vous n'êtes pas juge.

    Si parfois vous étiez embarrassé pour savoir jusqu'où il vous est permis d'aller dans votre enseignement moral, voici une règle pratique à laquelle vous pourrez vous tenir : Au moment de proposer à vos élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s'il se trouve, à votre connaissance un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu'il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire ; sinon, parlez hardiment, car ce que vous allez communiquer à l'enfant, ce n'est pas votre propre sagesse, c'est la sagesse du genre humain, c'est une de ces idées d'ordre universel que plusieurs siècles de civilisation ont fait entrer dans le patrimoine de l'humanité.[4] 



    [1] Voir les commentaires instructifs de Jacques Julliard, « les gauches françaises », Flammarion, p 376. Pour de nombreux républicains de la troisième république, l’école laïque représentait le moyen le plus efficace d’évincer le sentiment religieux dans la société.

    [2] Il y a de temps en temps quelques tensions avec les mères voilées à propos des sorties pédagogiques, à l’école primaire. Il faut cependant rappeler que les parents n’accompagnent pas leur enfant mais sont associés à l’école en tant que collaborateurs occasionnels, dans le cadre d’une mission de service public. Or, les sorties scolaires sont des sorties pédagogiques et constituent le prolongement naturel du travail de classe. En cela, les parents doivent respecter toutes les règles de la laïcité.

    [3] Robespierre, contestant le veto royal

    [4] Jules Ferry, cité dans “la laïcité », éd Le seuil, revue française d’études constitutionnelles et politiques


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    On peut penser que les médias se plaisent à montrer l’image d’une école violente et décrire une crise d’autorité généralisée. Il s’en suit une forme de psychose larvée qui inquiète fortement les parents. Ceux-ci y répondent alors en cherchant à surprotéger leurs enfants, en les dotant de téléphones portables dès le plus jeune âge, en les mettant dans des écoles privées, en pensant ainsi échapper aux problèmes ou tout au moins limiter les risques. Ce qui est loin d’être démontré, bien au contraire, car la violence entre pairs est multiforme et prend aussi sa source dans les confrontations entre groupes sociaux différents quand tous n’ont pas accès aux mêmes écoles.

     

    Si on exclut les faits divers tragiques mais non représentatifs de la violence scolaire, on peut noter qu’il y a 10-15 incidents graves pour 1000 élèves par an qui sont déclarés dans les collèges et les lycées professionnels. Avec 3-4 incidents graves pour 1000 élèves, l'occurrence est beaucoup plus faible dans les lycées généraux. Ces actes sont surtout le fait des établissements les plus difficiles puisque 10% des collèges et lycées concentrent 50 % des violences. On peut noter aussi que parmi ces établissements «violents », 4 sur 10 relèvent de l’éducation prioritaire, ce qui n’est pas illogique puisque ce sont eux qui concentrent les difficultés sociales et scolaires et dans lesquels les communautarismes sont exacerbés.

    Les actes de violence les plus courants sont liés au racket, aux bagarres, à la violence verbale (insultes, moqueries, menaces), au harcèlement (y compris cyber-harcèlement, et harcèlement SMS). Les enquêtes diverses qui ont été menées ces dernières années montreraient qu’environ 10% des collégiens rencontreraient des problèmes de harcèlement (c'est-à-dire d'actes répétitifs de violence), tandis que 30% des élèves auraient été victimes d'un acte occasionnel de violence. Le cyber-harcèlement est encore peu connu et nous ne savons pas l'ampleur qu'il peut prendre actuellement. Mais selon toute vraisemblance il est loin d'être négligeable et la vigilance s'impose.

    Il faut savoir que le fait d’être victime ou responsable de harcèlement peut être à l’origine de difficultés scolaires graves, d’absentéisme et à terme de décrochage. Il peut aussi engendrer de la violence ou des troubles psychologiques et émotionnels divers.

    Depuis quelques années s’ajoutent à ces faits de violence connus des jeux morbides d’étranglement et d’asphyxie, le plus connu étant celui du « foulard » ou d’agression gratuite comme « le petit pont massacreur » qui consiste à frapper celui qui laisse passer la balle envoyée entre ses jambes. Enfin, il faut ajouter à cela les violences à caractère sexistes (propos déplacés, voyeurisme, déshabillage, attouchements), homophobes et racistes.

    Les agresseurs sont des adolescents le plus souvent, élèves du collège ou du lycée fréquenté par les victimes. Si le nombre d’actes de violence ne semble pas croître depuis 20 ans, on assiste aujourd’hui à un refus plus affirmé de la part du monde des adultes face à ces comportements intolérables, d’où le sentiment d’une violence accrue mais qui ne se confirme pas dans les statistiques et les études. On constate cependant des évolutions. Il y en a deux principalement. La première est une dérive vers une violence de groupe, plus organisée que la violence individuelle, plus insidieuse, qui enferme la victime dans un sentiment d’impossible sortie. Et la seconde une violence dirigée contre les adultes de l’établissement, les professeurs, mais aussi les personnels non enseignants. Celle-ci peut être corrélée à une crise des institutions, et à un rejet de l’autorité scolaire (entre autres) de la part de certains adolescents.

     

    Dans tous les cas, ces actes de violences, s’ils ne sont pas le lot quotidien de la plupart des jeunes, ne peuvent pas être négligés et l’institution doit traiter de manière préventive tout risque de violence dans les établissements. Quand des faits apparaissent, il est crucial d’entendre la victime, et d’apporter une réponse adaptée et ferme montrant que l’école ne peut pas accepter ces pratiques qui sont contraires aux valeurs même de tout système éducatif comme de la république.

     

    Améliorer la qualité de vie à l’école pour réduire la violence scolaire et créer un climat serein, propice aux études

     

    Eric DEBARBIEUX a étudié en détails les processus de la violence scolaire. La plupart du temps, les personnes visées qui subissent des agressions à répétition sont isolées vis-à-vis de leurs pairs, que ce soient des élèves ou des enseignants. Il faut donc créer et entretenir du lien social, dans la classe, dans les équipes éducatives, dans la salle des professeurs pour encourager la prise de parole et aider ceux et celles qui ont peur de confier leur désarroi.

    Certains facteurs de violence sont liés au contexte socio-économique, à l’environnement familial et géographique, à de mauvaises relations. Mais d’autres sont endogènes à l’institution scolaire elle même. Pour réduire les actes de violence, le sociologue a ainsi relevé l’importance d’un climat scolaire apaisé et l’adoption de pratiques pédagogiques dans la classe qui diminuent le stress scolaire. Cela passe par l’instauration de règles claires, simples, comprises de tous, de justice, d’équité et d’écoutes mutuelles qui favorisent le dialogue dans le respect de l’autre.

    On a déjà évoqué dans cet ouvrage l’importance de décloisonner l’éducatif et le pédagogique. Tous les adultes dans l’établissement ont un rôle éducatif et celui-ci n’est pas exclusivement le fait du conseiller principal d’éducation (CPE), mais aussi celui de l’enseignant, des personnels d’entretien, de l’infirmière… Inversement, le CPE peut intervenir sur les aspects pédagogiques, en particulier quand cela concerne les horaires de cours, les regroupements, les sorties, le projet culturel de l’établissement.

    Parfois, les professeurs estiment que le champ éducatif n'est pas de leur prérogative, qu'ils ont déjà une lourde tache à accomplir avec la transmission des connaissances. Mais comment imaginer un instant qu'un adolescent soumis à du harcèlement peut se concentrer sur le cours et le travail donné, qu'il peut mémoriser correctement ce qu'il entend et que ses facultés cognitives ne seront pas affectées par les tensions physiques, morales et affectives qu'il subit.

     

    L’amélioration du climat scolaire ne se décrète pas dans un ministère mais se travaille au quotidien dans chaque établissement, par exemple en considérant que la qualité des espaces de vie influe sur l’attitude générale des élèves.

    On sait désormais par des études nationales et internationales, y compris dans des pays réputés violents, que pour instaurer un climat scolaire apaisé il est essentiel d’associer les élèves et les parents à la réflexion sur le projet, à la médiation sur les problèmes, à la responsabilisation face à la décision de la sanction. Sur ce dernier point, l’exclusion ne peut être la seule solution face à l’ensemble des problèmes rencontrés. Si tout acte de violence, verbale ou physique, fait obligatoirement l’objet d’une procédure disciplinaire, la sanction adoptée est graduée en fonction de la gravité constatée et doit toujours revêtir un caractère éducatif.

    A l'intérieur de l'établissement, la référence de l'adulte, son autorité, la cohérence collective des comportements des professeurs sont des paramètres très importants pour créer les conditions favorables à un climat scolaire détendu. Ainsi, il est aujourd'hui avéré que la stabilité des équipes enseignantes, mais aussi la présence des professeurs et des équipes de direction dans les couloirs, à la porte d’entrée le matin, et dans la cour changent fortement l'ambiance du collège ou du lycée.

    C'est pour cela que le projet d'établissement est particulièrement important. Parce qu'il donne une ligne directrice claire et qu'il établit les priorités, y compris en matière de sorties scolaires et d'activités culturelles. En définissant les conditions du « bien vivre ensemble », il permet à chaque élève de savoir qu'il pourra être entendu et soutenu si il subit des violences de la part de ses pairs.

     

    Enfin, n’oublions pas que les agresseurs, qu'ils soient eux même aussi victimes ou non, sont aussi des jeunes en construction. Cela signifie que la condamnation d'un acte ne peut être associée à un jugement définitif sur le comportement de l'agresseur. Le principe même de l'école est fondé sur sa valeur éducative. Pour tenter de modifier des comportements agressifs, il faut montrer un chemin et convaincre l'adolescent que son avenir n'est pas déjà écrit. 


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  • L’éducation prioritaire concerne environ 20% des élèves en France. Contrairement à certaines idées répandues, elle n’est pas circonscrite à la banlieue, parisienne de surcroît. En effet, s’il y a des problématiques singulières dans les banlieues des métropoles, l’éducation prioritaire peut aussi concerner la ruralité. Dans certaines régions, l’ambition et l’envie de réussir scolairement sont tellement faibles qu’il est capital de mettre en place des programmes spécifiques pour tirer les élèves vers le haut et leur donner l’opportunité de s’émanciper et de faire parler les talents qui les habitent.

    On voit par conséquent que l’éducation prioritaire ne peut être distinguée d’une politique plus globale qui inclue le social, le logement, le vivre ensemble.

    La principale question qui se pose quand on évoque l’éducation prioritaire est de savoir comment les professeurs peuvent maintenir une exigence scolaire de réussite avec le besoin de s’adapter au public présent face à eux.

    Il n’est heureusement pas rare de voir des établissements en éducation prioritaire, voire en zone de prévention violence, qui sont apaisés, dans lesquels les cours se passent bien, avec des élèves qui participent et ont envie de réussir. S’il n’y a aucune règle absolue qui puisse être déployée pour parvenir à cet équilibre qui permet aux adolescents de jouer réellement leur rôle d’élève, on peut cependant constater que dans ces établissements les élèves se sentent accompagnés et valorisés. C’est  parce qu’ils savent qu’on travaille pour eux, qu’ils ont envie de montrer des capacités et des attitudes positives. Mais cela ne suffit pas. Le travail de la vie scolaire doit être exemplaire. A l’écoute des difficultés de chacun, mais intransigeante avec les débordements. Le respect des uns et des autres ne se discute pas. Toute la difficulté est de savoir à quels moments les mots « déplacés » correspondent à un manque de respect ou bien à une forme de catharsis face à la pression du quotidien. S’il n’est pas opportun de toujours sanctionner, les règles doivent toujours être rappelées.

    Quand les équipes éducatives sont soudées derrière un projet élaboré en commun et bien compris de tous, cela fait sens à la fois pour les élèves mais aussi pour les parents et les partenaires de l’école. La pression sociale du groupe diminue dans l’établissement, la gestion des difficultés s’individualise, l’ambiance est propice à la mise au travail.

     

    Tous les enfants ont des yeux qui pétillent quand ils réussissent

     

    Cependant, même quand le climat global est apaisé, il y a la gestion du quotidien pour faire comprendre à l’élève que la norme culturelle de la société et de l’école peut heurter celle qu’il côtoie, dans sa famille, dans son environnement. Qu’il ne s’agit pas de l’acculturer mais de lui donner les outils pour qu’il puisse se réaliser dans la société et prendre toute la place qui lui revient.

    C’est d’abord par la maîtrise de la langue que l’élève y parvient. Mais pour arriver à dépasser le « dire », il devra apprendre le « lire » et « l’écrire », et progressivement maîtriser les compétences langagières qui lui permettront d’échapper à l’enfermement qui pourrait le retenir prisonnier dans sa cité ou sa campagne.

    Cette production d’écrits est à travailler sans relâche. Elle impose de la patience et de l’entraînement (y compris dans la graphie) dans toutes les disciplines. Pour qu’il puisse accepter de jouer cette partition, l’élève doit y trouver du sens, et comprendre que l’activité langagière n’est pas un but en soi mais un moyen de répondre à un problème auquel il donnera du sens et qui va l’intéresser.

     

    1981 : une rupture dans le pacte éducatif

    Au début des années 1970, les problèmes sociétaux engendrés par la crise économique apparaissent. Des ghettos se créent dans les cités de banlieue. Parallèlement, la scolarité qui s'allonge, le besoin d'une main d'oeuvre plus qualifiée et l'instauration du collège unique en 1977 provoquent des remous dans le monde de l'éducation nationale. La démocratisation de l'école s'accompagne d'une flambée d'échecs scolaires, d'incivilités et de violences croissantes.

    Les rapports qui se succèdent montrent l'impact croisé et fortement négatif de l'environnement délabré et des difficultés sociales.

    La naissance de l'éducation prioritaire est un acte volontariste affirmé qui a brisé le tabou de l'égalité des moyens. Pour la première fois, citant les propos du ministre SAVARY, un gouvernement a délibérément décidé de « donner davantage de moyens et surtout une plus grande attention pour ceux qui en ont le plus besoin ». Ce changement de paradigme, qu'on nomme aujourd'hui « discrimination positive », relevait d'une idée novatrice et originale pour un pays comme la France[1]. Mais il y avait autre chose qui relevait réellement de l'innovation : en mettant en commun les idées et les ressources, en ayant une vision holistique de la politique de la ville qui englobe tous les aspects d'éducation, en créant des liens avec des partenaires locaux naturels, on a proposé une démarche à la hauteur des enjeux et des problèmes.

    Pour faciliter la mise en œuvre du projet local, les premiers décrets proposant une certaine autonomie aux établissements sont signés. Les lois de décentralisation ajoutent à la facilité d'instaurer de nouveaux partenariats constructifs avec les services de la ville et du département, qui ont désormais les moyens de répondre aux sollicitations des écoles et des collèges.

     

    Une inégalité de moyens pour obtenir une égalité de résultats

     

    En trois mois, au début de l’été, les principaux décrets sont signés. Comme le mentionne le rapport de l'inspection générale de 2006 qui reste un modèle pour rendre compte de l'éducation prioritaire en France et de son évolution (rapport ARMAND-GILLE) les principes fondateurs de la politique ZEP n'ont pas été remis en cause jusqu'à ce jour. Et pourtant, en 1986, au moment de la première cohabitation, une première étude a été commandée pour savoir si il ne fallait pas supprimer cette initiative estampillée d'un marqueur politique certain. Malgré les soubresauts, il est très vite apparu qu'on ne pouvait plus revenir en arrière et ne pas répondre de manière ciblée aux besoins diagnostiqués principalement dans les banlieues des grandes villes françaises.

    Toutefois, les évaluations successives ont montré certaines faiblesses du système. Si l'intérêt du partenariat n'est pas remis en cause, la mise en œuvre est souvent controversée, en particulier le lien entre les activités socio-culturelles extérieures et les apprentissages scolaires. On notera aussi que les zones d'éducation prioritaires ont fait fuir les élèves des familles les plus intégrées qui se sont souvent réfugiées dans le privé ou ont trouvé des places en dehors de leur secteur.

     

    Soulignons quand même quelques points très positifs de l’éducation prioritaire et de ses effets dans les collèges qui en font partie :

     

    - les projets d’établissement et les méthodes pédagogiques sont souvent à l'avant garde de ce qui se fait de mieux en France,

    - les innovations pédagogiques réussies finissent progressivement par irriguer le reste des établissements français,

    - les professeurs qui savent prendre les élèves tel qu'ils sont mais qui ont de l'ambition pour eux, qui adoptent des pédagogies adaptées, sont toujours respectés et écoutés, réussissent et éprouvent à juste titre une très grande fierté dans l'exercice de leur métier.

     

    Si les difficultés restent nombreuses, on remarquera une évolution sémantique qui rend compte de préoccupations évolutives. En 1981, on parle de zones prioritaires et de programme d'éducation prioritaire. Le vocable de zone d'éducation prioritaire apparaît en 1988. Pour accentuer le lien entre premier et second degré, on créera alors 10 ans plus tard le terme de « réseau d'éducation prioritaire » (REP). En 2006, pour bien marquer l'importance accordée désormais à la réussite scolaire, il apparaîtra les « réseaux de réussite scolaire » (RRS) et on nommera « réseaux ambition réussite » (RAR) ceux qui ont le plus de problèmes et qui concentrent le plus de difficultés. Ceux-ci se transformeront en « réseaux pour l'ambition, l'innovation et la réussite » afin d'insister sur l'importance de l'innovation didactique et pédagogique. Enfin, en 2011, il sera décidé d'inclure les trois composantes du premier et du second degré dans le programme « Ecoles, collège et lycée pour l'ambition, l'innovation et la réussite » (ECLAIR).

     

    Si l'objectif assigné à l'éducation prioritaire est clair, à savoir la réussite scolaire par la validation du socle commun de connaissances et de compétences, on se rend compte que le système peine encore à donner à chaque élève tous les outils pour réussir, mais aussi pour créer l'appétence suffisante de la réussite scolaire.

    Malgré les volontés et les innovations pédagogiques, les retards scolaires restent prégnants, et les acquis souvent insuffisants. L'école française reste élitiste et conservatrice comme on l'a vu et ne sait toujours pas répondre suffisamment au défi de l'inégalité sociale. L'éducation prioritaire est en panne. Les résultats PISA l'attestent malheureusement.

    Comme l'indique le ministère de l'éducation nationale sur son site : « Entre 2007 et 2012, la proportion d’écoliers dans les écoles élémentaires des réseaux ECLAIR qui maîtrisent les compétences de base en français et mathématiques reste stable. Au collège, l’écart se creuse de manière significative, avec une diminution très nette des résultats des élèves en éducation prioritaire. »

    Il ne s'agit pas de vouloir fondre le modèle éducatif français dans un ensemble mondialisé pour chercher des recettes inadaptées à notre culture et à notre histoire, mais il est urgent de trouver une voie qui fournisse à tous la possibilité de s'élever et ne pas briser dès le plus jeune âge l'ambition et les efforts consentis par ces jeunes qui représentent tout de même 20 % de la société.

     

    Une auto-limitation qui freine l’ascenseur social

     

    On comprend facilement que les difficultés sociales limitent les performances des élèves. L’exiguïté des lieux de vie, la quasi absence de travail effectif à la maison, des aides familiales ténues, des références culturelles éloignées de celles de l’école sont autant de facteurs objectifs qui limitent la réussite des élèves des zones d’éducation prioritaires.

    De plus, à l’intérieur de l’école, les comportements quelquefois agités des adolescents sont sources de stress pour les professeurs. Là encore, on ne s’étonnera pas de ces agissements quand on sait le manque de concentration notoire d’élèves qui voient très peu de finalité aux apprentissages qu’on leur propose. A cela s’ajoute l’incompréhension des consignes, les relations inter-élèves qui amplifient les rapports dominants-dominés basées sur l’affect et axés sur la parole, le geste, voire l’agressivité.

    Il ne sert à rien de regretter tout cela, il est plus important pour l’école de chercher des solutions pour élever ces jeunes et construire une société moins conflictuelle et plus respectueuse des uns et des autres. Quels que soient leurs problèmes, ces jeunes sont aussi intelligents que les autres. Le pari de l’intelligence consiste à affirmer que nous pouvons collectivement faire émerger les talents si on réussit le pari pédagogique d’une mise en apprentissage réelle, en partant de ce qu’ils savent, en les soutenant et en ayant pour chacun une ambition finale réelle et motivante.

    Cette ambition de l’adulte est un moteur puissant. Elle dit à l’élève : « Peut être que tu ne crois pas en tes possibilités, mais moi j’y crois pour toi, et je sais que tu peux y arriver ». Cette volonté va de pair avec une certaine exigence dans le rendu du travail. Être exigeant ne signifie pas de donner un travail si difficile que peu d’élèves parviendront au résultat escompté, avec à la clé une mauvaise note. Le terme est plutôt à associer à la qualité du rendu, au niveau intellectuel et argumentatif demandé. Il y a deux manières de ne jamais atteindre une cible avec des flèches : en tendant trop la corde, on peut briser l’arc, en tirant trop peu la flèche n’ira pas bien loin.

    Si on a vu quelques raisons « objectives » au désintérêt et à la difficulté scolaire, d’autres obstacles plus pernicieux vont aussi contrarier les capacités de progrès. L’autocensure des élèves est manifeste et plusieurs causes peuvent être invoquées : le terme même « d’excellence scolaire » quand il est mal interprété renvoie l’image d’une forme de collaboration honnie avec un milieu dont on veut se distancer. On peut ajouter qu’il est très difficile pour la plupart des adolescents de se démarquer du lot commun pour chercher à progresser plus vite, et que c’est encore plus compliqué quand on vient de la cité (la peur du regard des autres et de leurs moqueries, et quelquefois de leurs violences). Ainsi, comment peut-on se penser ingénieur, docteur, architecte, pilote quand autour de soi il apparaît un manque si frappant d’exemples de parcours professionnels réussis.

    Et bien sûr, sans vouloir être exhaustif, on ne peut passer sous silence le problème du renoncement sur les devoirs à la maison, alors que la réussite scolaire n’est possible qu’avec un minimum de travail personnel en dehors de l’école, répondant à la demande des professeurs (exercices, leçons) quand il n’est pas implicite (lectures personnelles de livres, de journaux, de revues scientifiques, consultation de vidéos en anglais sur internet). 

    Le partenariat dans l’éducation prioritaire

    Le partenariat est partie prenante de l’éducation prioritaire, puisque celle-ci a été conçue dès 1981 comme un programme inclus dans la politique de la ville. En effet, l’adolescent n’étant pas seulement un élève, sa vie en dehors de l’école, en particulier ses difficultés familiales, sociales, et les relations qu’il noue avec son entourage ont un impact particulièrement sensible sur sa réussite scolaire. Or, les enseignants ne peuvent connaître son milieu autant que les membres des associations de quartiers, les assistants sociaux de la mairie ou du conseil général. De plus la difficulté de pouvoir travailler, en fin de journée, dans son appartement est souvent telle que les associations populaires de l’éducation ont souvent un rôle singulier et positif pour apporter un soutien dans les devoirs, complémentaire de ce qui se fait en classe.

    Qu’elle soit scolaire ou extra scolaire, la finalité de cette aide est de permettre de « réduire les implicites de l’école ». Le premier concerne l’importance de la maîtrise de la langue pour évoluer au-delà du cercle des camarades du quartier. Un travail régulier consiste à utiliser le langage sous toutes ses formes, pour évoquer, expliquer, argumenter, proposer, réfuter, confronter des idées sans chercher à imposer par la force ses convictions profondes, sans oublier l’importance de tout simplement développer le lexique des élèves. Le second point consiste à réduire l’écart culturel avec les enfants nés dans les familles qui disposent de ces codes particuliers. L’objectif étant de montrer que le monde social, si complexe en apparence, peut s’apprivoiser et se comprendre, mais aussi de donner de la confiance en soi.

     

    On remarque cependant que le partenariat n’est pas simple à construire. Il faut apprendre à se comprendre, à respecter l’autre, à définir des objectifs communs. Or, il est évident que pour les partenaires de l’éducation nationale, la difficulté d’exister conduit à  vouloir imposer ses visions pour justifier son intervention. Si l’opportunité du partenariat n’est plus à démontrer, il est important et même crucial de le construire en amont, et de l’évaluer à l’issue de l’action menée. Ce dernier point est délicat car la culture des professeurs les amène rarement à évaluer ce qu’ils ont mis en œuvre, et les partenaires ne sont pas demandeurs d’une co-évaluation qui risquerait de les déstabiliser.

    Un partenariat efficace respecte le rôle respectif de chacun, pour accroître les résultats éducatifs et pédagogiques grâce à ce levier externe à l’éducation nationale. Dans tous les cas, un partenariat en éducation prioritaire est forcément multiple. La convergence d’intérêt des actions est discutée en conseil pédagogique puis en conseil d’administration pour rendre cohérent le projet global. Cela permet également d’associer, non seulement l’ensemble de l’équipe éducative, mais aussi les parents et les collectivités locales.

     

    Un exemple de partenariat original : les cordées de la réussite.

    On sait depuis longtemps que les élèves issus des quartiers sensibles ou défavorisés brident leur ambition de poursuite d’études. Il est avéré aussi que la nature des concours d’entrée dans les grandes écoles de commerce ou d’ingénieurs, à l’écrit mais aussi et surtout à l’oral, est un handicap pour ces mêmes élèves du fait d’une méconnaissance des codes culturels des grandes écoles, comme nous l’avons précisée précédemment.

     

    S’étonner de la richesse des opportunités offertes par les grandes écoles et l’université

     

    L’ouverture sociale des écoles les plus prestigieuses a débuté avec la création des programmes « Une grande école, pourquoi pas moi ? » de l’ESSEC et les conventions ZEP de Sciences Po [2]. Elle a rapidement fait des émules auprès des autres écoles de commerce et d’ingénieur, ainsi qu’auprès des universités, à travers le dispositif des cordées de la réussite[3].

    Le principe des cordées de la réussite réside dans l’association d’une grande école ou une université (la tête de cordée) avec un réseau de collèges et lycées dont le public est issu de l’éducation prioritaire afin de proposer un tutorat porté par les étudiants et un projet d’actions culturelles pour donner de l’appétence et faire prendre conscience aux jeunes qui ont des résultats scolaires intéressants qu’ils peuvent changer et faire croître l’imaginaire des possibles dans leur poursuite d’études.

    En associant une très grande école à des établissements issus de zones rurales ou de la politique de la ville, on fait travailler ensemble, une année durant, des étudiants héritiers d’un modèle traditionnel de sélection avec des adolescents qui ne demandent qu’à connaître les règles de l’ascension sociale.

     

    Mais le système se heurte à des résistances fortes et les intégrations de ces jeunes dans les corps d’élite ne s’effectuent encore qu’au compte goutte. Plusieurs explications à cela. D’abord un frein évident de la part des grandes écoles à trop s’ouvrir, à risquer de modifier un processus sélectif qui leur convient. De plus, le public cible n’est que partiellement atteint. En effet, il apparaît une résistance très forte à pouvoir s’engager dans un processus ambitieux et créatif de valeur car cela contraint à une forme d’abnégation au travail scolaire sur une longue durée, et de dépasser le risque du « déclassement social dans la cité » en s’éloignant du modèle intégrateur local.

    Ensuite, il y a les parents qui doivent aussi être convaincus de l’intérêt d’un tel accompagnement pour laisser plus longtemps leurs enfants à l’école. Sans oublier que pour la plupart d’entre eux, la poursuite de la scolarité dans des filières longues et prestigieuses, souvent éloignées du lieu de résidence, représente un coût non négligeable, parfois difficile à assumer malgré l’existence des bourses d’étude supérieures[4].

    Pour autant, ce sont des initiatives de ce type qui, par petites touches, vont pouvoir faire émerger dans les élites de demain les cadres qui participeront au renouveau de la vie publique et au dynamisme des entreprises, en proposant des modèles moins conformes et plus originaux qui prendront leurs racines dans des cultures multiples.

     



    [1] La discrimination positive habite la culture américaine depuis plusieurs décennies. Il est en effet plus facile d’accepter ce tabou dans une société multiculturelle qui accepte le communautarisme, plutôt que dans la société française qui s’est construite depuis la révolution française sur le principe d’égalité de droits et de devoirs.

    [2] Le programme de Sciences Po consiste à proposer une voie d’accès réservée aux élèves méritants issus d’un milieu modeste, celui de l’ESSEC à les accompagner depuis le lycée jusqu’à leur insertion professionnelle. Le programme de Sciences Po Paris a été initié en 2001. Une centaine d’étudiants est admise tous les ans par cette procédure. Le programme de l’ESSEC a débuté en 2003.

    Pour l’ESSEC, on pourra consulter le site http://egalite-des-chances.essec.edu/page-fille-1/une-grande-ecole-pourquoi-pas-moi, pour Sciences Po Paris http://www.sciencespo.fr/node/7690

    [4] Sur le modèle des cordées de la réussite, des résidences de la réussite font leur apparition. Elles sont un intermédiaire entre la résidence universitaire classique et l’internat d’excellence dans les établissements secondaires. On pourra voir un aperçu de ce dispositif sur http://www.ac-versailles.fr/public/jcms/p1_221930/les-residences-pour-la-reussite-de-l-academie-de-versailles


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  •  Face à un médecin, le patient est en droit de comprendre sa maladie et la prescription qui lui est proposée. L’époque où le malade acceptait le remède sans discuter est révolue. Les médecins, à l’instar des professeurs s’en plaignent, pensant qu’on ne fait plus suffisamment confiance à leur savoir, leur déontologie et leur expérience professionnelle.

    Les familles douteraient-elles des professeurs ? Ces derniers en viennent souvent à se demander pourquoi tant de parents ont des exigences pédagogiques, pourquoi ils écrivent si facilement au rectorat ou au proviseur, pourquoi ils mettent en doute les enseignements et les méthodes.

    Toutes les enquêtes montrent cependant qu’une grande majorité de français éprouve de l’estime pour les professeurs et s’accorde sur leur professionnalité comme sur les difficultés du métier. Toutefois, la confiance dans l’école en tant qu’institution n’est plus aussi forte qu’il y a trente ans et le mur du chômage de masse qui touche surtout les jeunes et les personnes de plus de cinquante ans empêche de se projeter sereinement dans les poursuites d’études.

    Les réactions des parents montrent qu’ils sont inquiets pour leurs enfants. Ils veulent légitimement qu’ils réussissent et qu’ils aient un enseignement à la hauteur des exigences du programme et de la société. Evidemment, leur immiscions dans la sphère scolaire est légitime si elle n’est pas intrusive. Or, la plupart des parents ne connaissent de l’école que ce qu’ils y ont vécu…une ou plusieurs décennies avant. Comme si le temps s’était arrêté, ils ont parfois (souvent ?) une vision passéiste des pratiques pédagogiques et connaissent peu celles qui sont mises en œuvre dans les classes aujourd’hui.

    Oui, certains parents sont de mauvaise fois ou veulent imposer leur point de vue. Mais pas la grande majorité d’entre eux, qui reste démunie face à l’école et en demande de réponses, non pour juger mais pour comprendre. Il ne faut pas confondre ce désarroi avec une forme de démission. Si les parents ne comprennent pas l’école, ils vont chercher ailleurs les solutions aux difficultés qu’ils rencontrent avec leurs enfants, en particulier quand l’Ecole n’est pas porteuse d’espoir. Ne nous cachons pas non plus, comme dans toutes les professions, que s’il existe d’excellents pédagogues, si la plupart des enseignants sont consciencieux et travaillent sérieusement, certaines pratiques sont aussi de qualité médiocre, voire discutables. Les mots, les faits, les comportements, les réussites aux examens sont les armes du professeur pour convaincre les plus récalcitrants.

     

    Il faut tout un village pour éduquer un enfant[1]

     

    L’éducation des enfants n’est pas l’apanage de l’Ecole, ni réservée aux parents. Elle est partagée, avec des objectifs en partie communs mais aussi complémentaires. C’est pourquoi les parents investis accompagnent le travail de leurs enfants et veulent participer, à côté du professeur, en soutien de celui-ci, à l’éducation de leurs enfants.

     

    Il faut clarifier dans un premier temps les objectifs de cette volonté commune d’implication des familles et de la demande institutionnelle qui l’accompagne.

    Il existe un postulat qui explique que si les familles se rapprochent de l’école, les enfants réussissent mieux. Or, aucune étude ne valide ou ne contredit cette affirmation. En revanche quand l’enfant sent que ses parents s’intéressent à sa scolarité, il travaille plus et réussit mieux car il veut leur faire plaisir et parce qu’il sent l’importance attachée aux savoirs scolaires. Il n’est pas besoin pour le père ou la mère de connaître Thales ou la Boétie pour faire réciter les leçons du soir. Il suffit d’être présent, le cahier dans les mains.

    On le voit, l’implication des parents ne signifie pas de multiplier les rendez vous mais de les convaincre qu’un suivi régulier à la maison et l’organisation d’un cadre tranquille propice au travail de révision et de structuration favorisent la réussite scolaire.

     

    On nous dit régulièrement que l’époque est à la transparence. Par conséquent les parents voudraient savoir ce que font les enseignants et comment ils travaillent. En réalité il faut nuancer le propos car les parents qui veulent savoir sont ceux qui sont le plus au courant des codes de l’école, c’est-à-dire les parents enseignants, les cadres et les professions intellectuelles pour simplifier.

    Les autres parents viennent peu aux rencontres. Soit parce qu’ils conservent de l’Ecole une image négative, soit parce qu’ils ne comprennent pas le langage pédagogique, complexe et aussi incompréhensible pour beaucoup qu’une langue étrangère. Qu’on songe aux termes couramment employés de dédoublement, de groupes à effectifs réduits, de groupe de compétences, d’enseignement d’exploration, de démarche d’investigation ou de sigles comme AP, TPE, IDD[2]

    Par conséquent, si les familles ne sont pas accompagnées pour décrypter les codes et les mots de l’Ecole, elles s’en détourneront et leurs enfants auront plus de difficultés à réussir un parcours scolaire sans anicroche.

     

    Travailler avec les parents, dans un rapport de professionnalité, dans le but de personnaliser davantage le travail de l’élève. 

    Si les parents vont voir les enseignants, c’est pour parler de leur enfant. Or, si le seul message est négatif et/ou porte sur des résultats insuffisants, quel est l’intérêt d’aller à la rencontre du professeur ? Personne n’est assez masochiste pour s’entendre dire « votre enfant ne travaille pas assez, ses résultats ne sont pas bons, il n’arrête pas de bavarder, il perturbe la classe… ». Même avéré, ce type de commentaire pessimiste et défaitiste peut être vécu comme un jugement de valeur, celui d’une mauvaise éducation qu’ils auraient donné à leur enfant. Les mots peuvent blesser durablement. Paradoxalement, cette peur d’être jugé peut se retrouver chez l’enseignant aussi, à travers une critique des modes d’actions, du travail donné, des contenus des cahiers. Ainsi, pour éviter tout malentendu et toute dérive, l’approche doit être différente pour convaincre et pour tenter de défricher et trouver, ensemble, des pistes de solutions.

     

    On peut noter que le double regard subjectif porté à la fois sur un adolescent qui est aussi un élève fait entrer le débat dans un « conflit dialectique », au cours duquel il peut s’avérer difficile de concilier les points de vue. La présence du jeune est souvent indispensable, en particulier si celui-ci véhicule une information biaisée à la maison. La cohérence du message porté par l’ensemble des adultes est une règle d’or pour convaincre les adolescents. Pour avoir un intérêt, la rencontre devrait commencer par définir sous la forme d’un diagnostic concret les capacités de l’élève, ce qu’il sait faire, et comment il se comporte face à différents types de tâches qu’on lui propose. En mettant en regard des aspects positifs et négatifs, en expliquant à partir d’activités évaluées en terme de compétences, on peut expliquer plus sereinement ce qu’on attend de l’enfant et sur quoi doivent porter les efforts. De plus, en s’intéressant aux réussites de l’enfant en dehors de l’Ecole, on valorise le jeune mais aussi les parents dans leur fonction éducatrice, ce qui permet un échange plus constructif.

     

    Les enseignants sont désireux de voir les parents. S’ils ne viennent pas, les raisons sont multiples et cela ne signifie pas qu’ils sont démissionnaires. Par exemple, on peut noter que les horaires de travail éclatés ne sont pas facilitateurs pour être présents au collège ou au lycée à 17h. Dans certains cas, encore nombreux, les parents perçoivent l’établissement scolaire comme un espace sanctuarisé qui leur est interdit, ou peuvent avoir le sentiment d’être accueillis dans un rapport d’allégeance par rapport à l’Ecole. Il existe aussi de nombreuses familles où on parle mal le français. Dans ce dernier cas il sera utile de savoir quels sont les adultes en interne qui parlent plusieurs langues, qu’ils soient personnels enseignants ou non, pour proposer des rencontres avec ces parents allophones.

     

    On peut regretter que les parents n’ont plus « la foi » dans l’institution scolaire mais est ce si grave ? La société n’est plus la même qu’à l’époque de Jules Ferry, et les demandes sont différentes. La complexité et la diversité des métiers rendent impérieuses l’instruction et le développement des aptitudes personnelles, cette richesse des différences dont la nation a tant besoin. Si la connaissance et l’acceptation de la république et de ses principes doivent toujours faire l’objet d’une explication permanente, le vivre ensemble est confronté aux  aspirations personnelles légitimes mais qui ne peuvent exister au détriment des autres. Le collégien ou le lycéen est devenu aujourd’hui un individu social, ce qui interroge fortement les pratiques des professeurs et les relations parents-professeurs.



    [1] Dicton africain

    [2] Accompagnement personnalisé, travaux personnels encadrés, itinéraires de découverte


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  •  Parler de mondialisation enflamme les débats, mais le sujet est d'importance car on à peine à imaginer l'impact sur les systèmes éducatifs des échanges de biens et de personnes, des recommandations des états et des institutions internationales, de la standardisation, des comparaisons entre pays. A tous les niveaux, sur les systèmes, mais aussi sur les programmes et les individus les interactions mondiales influencent les évolutions actuelles.

     

    Le sociologue suisse Walo HUTMACHER développe le point de vue que la mondialisation correspond au développement d'une condition humaine universelle, une conscience planétaire qui dépasse les simples enjeux économiques. Cela correspond à un fait de civilisation particulièrement important, ce qui par définition interroge l'école dans ses missions. Des modèles d'état se sont progressivement construits, en particulier au cours du vingtième siècle, qui ont tous organisé l'école pour en définir les contours et en préciser les missions. On pourra remarquer que le concept même d'institution scolaire a supplanté les autres modes de transmission de la connaissance (par exemple de type oral en Afrique, ou en lien avec le compagnonnage et l'apprentissage en Europe pendant la période préindustrielle). Partout le niveau de formation augmente. Déjà très élevé en Europe et dans la plupart des pays développés il va bientôt subir la forte concurrence des pays en voie de développement. Il y a six fois plus d'habitants en Inde et en Chine qu'en Europe. Il est inimaginable que ces états-monde ne produiront pas un jour davantage de chercheurs et d'ingénieurs qu'en Europe. La demande en main d'oeuvre qualifiée est de plus en plus mondiale, et la concurrence entre les pays ira croissante.

    Pour autant, les individus ne veulent pas être noyés dans un magma culturel informe et sans saveur (on le voit bien avec la volonté qu'expriment les tenants des langues régionales). En même temps, le tiraillement est dialectique car cette « globalisation » et cette émergence d'un jardin planétaire font prendre conscience des défis planétaires à résoudre : réchauffement climatique, problèmes énergétiques, environnementaux, politiques, sociétaux. Cela impose une éducation citoyenne de haut niveau et ouverte sur le monde qui permet de comprendre les enjeux de ces problématiques complexes.

     

    Transformer l'école comme on l'a fait au moment de la révolution, sans tenir compte des réalités sociales et économiques et des processus mis en œuvre à l'extérieur de nos frontières n'a pas de sens. Il y a deux siècles, en France, la convention puis l'empire voulaient asseoir les idéaux de la révolution, mais aussi former les cadres compétents qui faisaient défaut à la nation. Désormais, il apparaît  un devoir d'instruction et d'éducation plus complexe, qui concerne la totalité des enfants pour répondre à des exigences nouvelles. Notons enfin que si les standards ne sont plus définis complètement au niveau de chaque état européen, mais se nourrissent des dialogues et des échanges à la commission ou au parlement de Strasbourg, les mises en œuvres restent de la prérogative des états et/ou des régions.

     

    Depuis vingt ans, les évaluations internationales se sont multipliées. Les études portant sur les systèmes éducatifs des différents pays ont permis de disposer d'un matériau riche pour analyser les effets des particularités nationales et des changements opérés ces dernières décennies. Or, ce champ d'investigation a non seulement intéressé les gouvernements, les historiens, les sociologues ou les journalistes, mais aussi de nombreux citoyens (et parents) qui souhaitaient savoir ce qui était mis en œuvre en face de la dépense d'éducation, dont on peut rappeler qu'elle représente le premier poste budgétaire de l'état.

    Or, les états sont soumis à des contraintes budgétaires très élevées qui ne pourront que s'accroître du fait du vieillissement de la population et de la demande qui s'exprime dans le domaine de la santé. Cette pression requiert d'étudier et de comparer les modes d'organisation ainsi que la qualité d'enseignement pour en optimiser les coûts[1]. Dans cet esprit, on a développé des indicateurs chiffrés pour évaluer la performance des systèmes et pouvoir les analyser et les comparer (cette méthode porte le nom de benchmarking). La difficulté est bien entendu de pouvoir disposer d'indicateurs fiables et acceptés de tous. Il est donc normal qu'ils fassent l'objet de débats publics, mais aussi dans les établissements scolaires, et que la représentation nationale s'en empare pour ne pas être l'objet de manipulations. De plus, ces indicateurs doivent être pour partie de nature pédagogique, ce qui est extrêmement difficile à définir objectivement. Mais la demande citoyenne est forte et il serait préjudiciable pour l'école que ces indicateurs soient réservés aux actes de gestion administrative et de ressources humaines et aux résultats d'examens.

     

    Le brassage des cultures est une opportunité pour enrichir l'école

     

    L’ouverture au monde concerne d’abord les individus. Pour les élèves comme pour leurs parents la référence du canton associé au collège n'a plus de sens. Combien de collégiens ont vécu toute leur scolarité à proximité de leur établissement de rattachement ? Leurs repères culturels et géographiques se sont élargis avec le temps.

    La France a depuis longtemps été un pays d’immigration. Déjà en 1930, 8% des hommes sur le territoire national étaient immigrés, c’est-à-dire résidant en France et nés étrangers à l’étranger. Actuellement, d’après l’INSEE, il y a sur le territoire national 5 millions de personnes immigrées et 4,5 millions de descendants directs d’immigrés, soit 15-20% de la population totale. Cette immigration est européenne, africaine ou asiatique la plupart du temps. Par ailleurs, la majorité des français n'est plus rurale mais citadine, les collèges et les lycées sont devenus des villages-monde, en particulier dans les plus grosses académies (Versailles, Créteil, Lille, Lyon, Marseille). Ces mouvements de population ne concernent pas seulement les entrants. En effet, on évalue à environ 2 millions le nombre de français expatriés. Et ce chiffre est en augmentation très rapide depuis une quinzaine d’années, de l’ordre de 3-4% par an. Il faut noter que 53% des expatriés ont un niveau d’étude supérieur ou égal à bac +3. Ces français qui travaillent à l'étranger ainsi que leurs enfants vont vivre pour un temps diverses expériences originales et enrichissantes, connaître d'autres coutumes, apprendre une nouvelle langue. 2/3 d’entre eux reviendront s’installer sur le territoire national quand 1/3 restera définitivement à l’étranger. On peut remarquer que le nombre d’expatriés français est beaucoup moins élevé que dans nombre de pays européens comparables en terme de population. En effet, la Grande Bretagne compte 4,7 millions d’expatriés, l’Allemagne 4,2 millions et l’Italie 3,6 millions. Nous sommes donc dans une vague de migrations intra-européenne peut être aussi forte que celle des années 1880-1930.

     

    Ce brassage d'immigration/émigration met en tension la société mais aussi l'école. On l’a déjà signifié, l’école a parmi ses missions de faire acquérir les codes de la citoyenneté et les valeurs de la république, telles qu’elles sont exprimées dans la constitution. Par ailleurs ces enfants immigrés ou issus de l’immigration sont porteurs d'une seconde culture qui va interagir avec la culture traditionnelle du pays. Cette coexistence des cultures mérite de s’appréhender comme une richesse et non comme un tiraillement aux interférences négatives. La question est de savoir, quand on est professeur, comment favoriser chez ces jeunes, dans le quotidien de la classe, la créativité qu’engendre cette double culture et éviter le repli communautaire.

    Une société multiculturelle ne signifie pas qu’il peut y avoir deux systèmes de valeurs différents car celui-ci est l’héritage d’une histoire et fonde la nation. Or, on ne peut nier qu’une intégration peut provoquer ici ou là des difficultés d’acceptation du code de valeurs.

    Elles concernent en général la laïcité, l'égalité filles-garçons, la place de l'Homme dans la société, le rapport à soi et aux autres.

     

    Depuis une vingtaine d'années, l'Europe a favorisé les déplacements d'étudiants avec le programme Erasmus. En mai 2009, le Conseil de l’Union européenne, dans le cadre de la stratégie "Éducation et formation 2020" a fixé un objectif ambitieux à la mobilité. Une nouvelle impulsion à l’ouverture du système éducatif français au contexte européen et international a été donnée par la réforme du lycée. En 2010 les premiers collégiens et lycéens de plus de 14 ans ont pu bénéficié de ces programmes européens pour aller étudier dans un des 33 pays signataires. D'une durée de trois à dix mois environ, ceux-ci permettent non seulement de plonger les élèves dans un bain de langue, mais aussi de découvrir une autre culture, proche, mais différente.

     

    La principale conséquence des ces mouvements à grande échelle est l'élévation du niveau de connaissance des langues européennes mais aussi une exigence accrue de la population pour ce qui lui est offert, y compris en terme éducatif. En comparant les différents systèmes chacun peut vouloir ce qu’il considère être le meilleur, en tout cas ce qui fonctionne le mieux au meilleur coût.

     

    La mondialisation n’est pas seulement attachée au déplacement des individus mais concerne aussi les idées, et pour ce qui touche à l’éducation elle se lit dans les programmes. Prenons quelques exemples pour illustrer ce fait. Plus personne ne songe à faire apprendre la liste des départements français à nos collégiens. L’histoire comme la géographie débordent du cadre national et s’intéressent aux interactions qui affectent l’ensemble des cinq continents. Aujourd’hui, une seconde langue vivante est apprise par tous les lycéens des voies générale et technologique quand, il y vingt cinq ans seulement, les élèves de la section scientifique n’en disposaient qu’en option. Enfin, on peut noter dans un troisième domaine que les sciences s’intéressent fortement aux problématiques environnementales, énergétiques ou liées au développement durable.

     

    En conclusion, il faut bien voir que la mondialisation a un impact fort sur l’école car la concurrence économique des pays exige que la formation à tous les niveaux  soit performante pour permettre aux entreprises de pouvoir être compétitives, rester sur le sol national et répondre aux aspirations individuelles en conservant la solidarité qui fonde notre modèle social.



     

      Les effets de la mondialisation sur l’éducation

    [1] Le développement de l'école par les jésuites répondait déjà à cette demande.





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