• Quelle formation continue?

    La formation initiale est importante et nécessaire mais ne peut pas tout 

    Quelle formation continue?

    Quarante trois ans. C’est la durée de travail pendant laquelle travaillera un nouvel actif. Imaginons un professeur prenant sa retraite aujourd’hui, en 2014, qui aurait obtenu son CAPES quarante trois ans plus tôt, soit en 1971. L’époque hippie bat son plein, l’informatique n’existe pas, le numérique pédagogique encore moins. Le lycée technologique (en fait technique) vient juste d’être créé. A peine 20 % d’une classe d’âge atteint le niveau du baccalauréat général (le seul qui existe encore). La moitié des élèves sort du système scolaire sans autre diplôme que le brevet. Un autre monde.

     

    Est il possible dans un monde en mutation aussi rapide que le notre, est il raisonnable de poursuivre une carrière entière sans bénéficier d’une formation continue efficace ?

    Les professeurs se rendent compte au quotidien des évolutions de la société. Les techniques changent, y compris celles qui concernent le monde de l’enseignement, les comportements et les réactions des jeunes évoluent en même temps que la société.

    L’enfermement dans sa classe, le repli sur soi et la nostalgie d’un monde révolu est une solution aliénante pour le professeur qui ne peut trouver seul toutes les solutions aux nouveaux défis et aux évolutions didactiques, pédagogiques, organisationnelles et institutionnelles qui traversent en permanence le système.

     

    La formation continue doit être perçue par les enseignants comme une priorité de leur métier.

     

    2,7 % de la masse salariale est consacrée à la formation continue des professeurs des écoles, des collèges et des lycées. Les professeurs d’école disposent de 18h de formation annuelle prévues dans leur service. Ne pouvant être proposées qu’en dehors des heures de cours, elles sont réalisées désormais le plus souvent en fin d’après midi.

    Il apparaît en revanche une difficulté pour la formation des professeurs du secondaire. Aucune indication chiffrée n’est inscrite dans le décret qui régit leur service. Il semble donc difficile, en l’état, de concilier à la fois le droit à la formation professionnelle avec le droit de chaque élève de disposer de l’ensemble des heures de cours prévues dans son emploi du temps.

    Toutes disciplines confondues, environ 35% des enseignants s’inscrivent régulièrement à des stages de formation continue, selon la DEPP. Certains sont même très motivés et leurs demandes portent sur plusieurs modules chaque année. En parallèle, 65% d’entre eux ne participent à aucune formation continue durant toute leur carrière, à l’exception de celles qui ont été rendues obligatoires par les inspecteurs. Et pourtant, 85-90% des professeurs pensent que la formation continue est importante.

    Ce modèle dépassé du choix et de l’initiative personnelle de se former, ou non, renvoie à une vision dépassée de l’intérêt de la formation continue et laisse supposer dans la société que le métier de professeur est un métier d’autrefois qui ne s’apprend pas, un métier où la « vocation » suffirait pour réussir.

    Le rapport Pochard sur « la condition enseignante » (2008)[1] en souligne une des raisons : « Elle (la formation continue) est souvent conçue comme un simple outil administratif servant à décliner de nouvelles réformes ; elle repose sur une politique d’offre disparate de la part des formateurs ; elle est souvent pratiquée comme une récompense ».

     

    Pour dépasser ce diagnostic qui peut paraître sévère, voyons d’abord quels sont les objectifs assignés à la formation continue des professeurs. On peut en dénombrer au moins trois :

    -          s’adapter face aux évolutions du métier (renouvellement de connaissances, nouveaux programmes, gestion des élèves difficiles…)

    -          développer des compétences nouvelles (par exemple informatique, intégrer dans la classe des élèves en situation de handicap…) ou acquérir de nouvelles qualifications

    -          rencontrer et partager (avec les pairs, des universitaires, des artistes, des industriels…)

     

    La formation continue des professeurs est principalement réalisée au sein de l’Education Nationale, dans le cadre du PAF (Plan Académique de Formation). Mais différents partenaires traditionnels interviennent aussi. Les universités, les organismes de recherche (CEA, CNRS, CERN…), des sociétés savantes, les associations de professeurs ou les organismes ayant un rapport avec la culture comme les scènes de théâtre ou de musique, les opéras, les bibliothèques départementales, municipales, les médiathèques ou les musées.

    Ces différentes structures qui oeuvrent à la formation des professeurs, aux côtés de l’éducation nationale, permettent de créer des réseaux d’accompagnement pour irriguer le dialogue.

    De manière générale, mais pas seulement, les formations du PAF sont plutôt axées sur les méthodes pédagogiques, les programmes, les gestions d’élèves, l’orientation. Les formations proposées par les partenaires, tout en étant en lien avec les programmes, développent davantage l’aspect culturel de l’enseignement. Les formations universitaires peuvent aussi servir à consolider les connaissances, en particulier celles qui préparent à un concours.

     

    Il existe plusieurs types différents d’actions de formation qui dépendent de l’objectif assigné à celles-ci :

    -          classiques, issues du PAF, d’une durée comprise entre un et quatre jours ;

    -          des colloques, ou des conférences ;

    -          des formations sur site (industriel, culturel, scientifique)

    -          des formations liées à un prêt de matériel ; par exemple prêt de tablettes ou de baladeurs numériques par le réseau d’accompagnements pédagogiques CANOPE, d’ordinateurs portables par le département ou la région ;

    -          séminaires interacadémique ou national, généralement réservés aux formateurs et cadres de l’éducation nationale

    -          Universités d’été, organisées par des associations, ou des organismes publics

     

    Si on estime que la formation continue, régulière, est une réponse utile pour rester opérationnel durant toute sa carrière, il y a quand même des moments incontournables qui doivent interroger les professeurs. Tout d’abord quand on entre dans la profession, deux ou trois ans après la certification. En effet, la formation initiale ne peut être exhaustive et les questions que se posent les jeunes professeurs néo-titulaires appellent des réponses qui n’auraient pas fait sens un ou deux ans plus tôt. La pression de l’entrée dans le métier retombe et de nouvelles interrogations surgissent.

    Bien entendu, à chaque changement de programme, les professeurs sentent le besoin de se former et de mutualiser les questionnements pour y répondre de façons diverses et porter ainsi sur les thématiques qui apparaissent un regard différent et complémentaire.

     

    La population croit souvent, à tort, que l’Ecole est un paquebot inerte et qu’il faut se méfier de ce qu’on nomme la « pédagogie », à tel point qu’on caricature facilement ce concept en parlant de « pédagogisme » et en exprimant ensuite tout le mal qu’on sous entend. La solution serait pourtant évidente pour beaucoup : il suffirait de refaire comme avant !

    Heureusement l’Ecole évolue, et beaucoup plus vite qu’on ne le croit, pour s’adapter aux contraintes des changements sociétaux, et pour tenir compte des travaux des chercheurs en sciences de l’éducation. Il apparaît donc indispensable de se former « a minima » tous les dix ans sur ces thématiques pour répondre aux défis et aux changements qui affectent l’Ecole.

     

    Certaines formations ont comme objectif de modifier les pratiques pédagogiques des professeurs, en leur montrant comment on peut traiter autrement ce qui se fait traditionnellement, avec des résultats pourtant mitigés.

    D’autres formations peuvent être valorisées de manière diplômante, avec un impact sur la carrière et/ou sur le salaire. Comme tous les salariés, les professeurs peuvent s’inscrire à des cours qui aboutissent à un DU (Diplôme universitaire) ou qui leur permettent de passer un diplôme comme l’agrégation interne.

    La validation des acquis de l’expérience professionnelle est souvent l’occasion, à travers un dossier tel que le RAEP[2] d’obtenir une certification qui leur permet d’enseigner autrement. Par exemple la certification DNL[3] est une opportunité d’enseigner en langue étrangère dans une discipline non linguistique. D’autres certifications existent. Les postes correspondants sont dits spécifiques et ne peuvent être occupés que par des titulaires de ces certifications.

    Un dossier RAEP est aussi demandé pour changer de fonction et devenir chef d’établissement ou inspecteur (IA-IPR dans le second degré général et technologique, IEN dans le premier degré ou le second degré professionnel).

    Enfin, le droit individuel à la formation existe aussi pour les enseignants. Des changements de carrière dans des domaines qui n’ont pas forcément de lien direct avec l’Education Nationale existent et sont possibles, à condition de bien y réfléchir et de s’investir totalement dans le nouveau projet pour mettre tous les atouts de son côté.

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    [2] La reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle (RAEP), mis en place dans la fonction publique depuis la loi du 2 février 2007, est un mécanisme d’évaluation et de comparaison des compétences et aptitudes professionnelles, fondé sur des critères professionnels (source : http://www.fonction-publique.gouv.fr)

    [3]Concernant l’enseignement d’une discipline non linguistique (DNL) en langue étrangère : www.education.gouv.fr/bo/2004/39/MENP0402363N.htm


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