• La notation en héritage : une petite histoire de la note, de l'évaluation, dans la rubrique qui concerne "l'évaluation"


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  •  Retour sur la note

     

    La note est particulièrement ancrée dans l’esprit de tous, élèves, parents, enseignants. Elle semble inhérente à tout acte d’évaluation, même si d’aucuns expriment ça et là quelques critiques, parfois sévères, à son égard.

    Ainsi, il apparaît une course à la note parce que les élèves ne pourraient travailler qu’en sa présence, parce que les parents focalisent leur attention non sur les apprentissages et les acquis mais sur cette note qui rassure quand elle est élevée et qui angoisse quand elle est faible. La signification de la note est alors moins importante que sa valeur absolue. Si les professeurs relativisent davantage le niveau de la note, ils s’en servent inconsciemment d’étalon pour classer les élèves les uns par rapport aux autres, et pour avoir une idée de la proportion de ceux qui ont compris par rapport à ceux qui sont en difficulté.

     

    De toute façon je suis nul(le) en math !

     

    L’envie d’avoir une bonne note s’apparente quelquefois à la course à l’échalote. Une bonne note peut être brandie comme un trophée, ou être vécue comme une satisfaction intérieure. La note peut être rassurante, stressante ou démotivante. Et la mauvaise note ? Elle pourra être niée, provoquer un choc salutaire ou être à l’origine d’une phobie scolaire.

    La part de l’affectif dans les processus d’apprentissage est très importante, en particulier chez les jeunes élèves qui ne peuvent relativiser un échec ponctuel ou faire la part des choses. Il n’est pas rare aujourd’hui de constater que nombre d’enfants sont déprimés, parce qu’ils ne réussissent pas à l’école, ou parce qu’ils n’ont pas l’impression d’atteindre la barre symbolique fixée par leurs parents.

    Dans tous les cas, la note n’a pas à être déifiée ou démonisée, elle est un instrument parmi d’autres d’évaluation des élèves. Elle a le mérite d’être concise et de dire quelque chose à tout le monde.

     

    Le nombre très important de notes dans la scolarité d’un élève implique qu’on ne retient généralement que la moyenne trimestrielle. Ces moyennes sont habituellement pondérées, pour tenir compte de l’importance relative des différents devoirs ou interrogations, et pour diminuer l’impact d’une mauvaise moyenne de classe obtenue lors d’un contrôle. Comme avec tous les nombres la manipulation est aisée et le principal est de fournir aux parents et à l’institution un produit fini acceptable, c’est-à-dire une moyenne des moyennes (la moyenne de la classe) conforme aux attendus.

     

    On parle souvent d’objectivité de la note, parce que justement elle est numérique. Cela correspondrait à une idée ancrée dans le pays de Descartes (mais pas seulement) que le chiffre est plus légitime que le verbe[1]. De nombreuses études ont montré pourtant qu’une copie corrigée par deux enseignants pouvait présenter deux notes très différentes, en particulier si les critères de la notation n’ont pas été explicités suffisamment et s’ils ne sont pas partagés. Cela montre que la note doit s’accompagner d’une explication précise, orale et écrite, pour signifier en quoi elle correspond à un écart par rapport à une demande ou une consigne.

     

    La notation en héritage

     

    Si la note est bien ancrée dans les esprits c’est parce que de mémoire d’homme elle a toujours existé. Il paraîtrait que Charlemagne a inventé l’Ecole. A-t-il aussi créé les notes ? Si on compte bien, la note serait alors une institution millénaire ? L’image d’Epinal ne tient pas longtemps à l’examen des faits historiques[2]. L’éducation de la jeunesse a existé avant Charlemagne : Socrate aurait il eu une vie plus longue s’il n’avait pas perverti l’esprit des jeunes grecs ? Il est vrai que l’époque moyenâgeuse qui a succédée à la chute de l’Empire romain d’occident (5° siècle) a été propice aux guerres, démantèlements des institutions politiques, et autres exactions de toutes sortes. L’Education n’étant pas à cette époque une denrée prisée par la population. Au fur et à mesure qu’un calme relatif a pu revenir dans les villes et les campagnes, que les échanges culturels et commerciaux ont pu se développer il est apparu le besoin de développer l’instruction. Des écoles monastiques et épiscopales se sont déployées dans tout l’empire carolingien. Les premières Universités sont créées au XII° siècle. L’époque est difficile pour ceux qui étudient, le châtiment corporel est quotidien pour forcer les jeunes à apprendre.

    L’école n’existe pas pour la majorité de la population mais cela ne signifie pas qu’il n’y a pas une éducation des jeunes. L’apprentissage est plutôt de type professionnel, et se réalise par la transmission de savoirs et savoirs faire, à l’intérieur des corporations, entre les artisans et les apprentis. Il n’est évidemment pas question de notes à cette époque.

    A côté de cette forme d’éducation, des précepteurs vendent leurs compétences intellectuelles sur le marché, au plus offrant, généralement pour répondre aux besoins des enfants du seigneur local.

     

    En France, la première révolution importante dans le domaine scolaire est à l’initiative des jésuites. Pour répondre à la réforme protestante, Ignace de Loyola crée la Compagnie de Jésus en 1540 avec comme objectif de contrer la progression de la nouvelle religion. Le crédo des jésuites : un accès aux savoirs religieux et laïque gratuit. L’idée est de faire émerger de la masse une petite élite instruite capable de tenir des postes clés dans tous les domaines importants (haute administration, armée, politique, …). Le tri des élites ne repose plus sur le privilège de la naissance, mais devient le résultat de la compétition que se livrent les étudiants. Pour créer de l’émulation, les jésuites vont inventer les prix, concours, récitations, compositions, devoirs… Les élèves sont répartis dans des groupes de niveau et placés en concurrence. L’origine et l’exacerbation de la compétition dans le système scolaire français sont intimement liées à l’instauration de ce système qui s’est particulièrement bien étendu.

     

    Si tous les systèmes scolaires ont mis en place les notes pour évaluer et classer les élèves, celui organisé rationnellement par les jésuites a été certainement le plus poussé dans le principe de hiérarchisation et d’excellence. Au début les collèges transmettent des classements et des commentaires aux parents, mais assez rapidement ces classements vont laisser la place à des notes avec une échelle graduée entre 0 et 20, officialisée à la fin du XIX° siècle.

    C’est ainsi que les jésuites ont posé les bases de l’école française et ont apporté des concepts novateurs en matière d’organisation des enseignements. La notation a été pensée clairement dans l’optique de récompenser le mérite et de sélectionner les meilleurs.

     

    Si des évolutions pédagogiques immenses ont été apportées à l’Ecole depuis Ignace de Loyola, il n’en est pas moins vrai que le péché originel de la note servant à la sélection en vue d’une orientation (en priorité) vers les filières d’excellence a longtemps subsisté. Elle n’a encore pas disparu des pratiques enseignantes car elle correspond encore à une demande sociétale. Mais pour combien de temps ?

    C’est la raison pour laquelle la place de la note, son existence ou sa disparition dans l’évaluation n’a de sens que si elle s’accompagne d’une réflexion profonde du mode d’évaluation souhaité et de ses finalités.



    [1] On peut rencontrer les mêmes errements avec une utilisation irréfléchie des indicateurs chiffrés utilisés lors de toute évaluation ou audit.

    [2] Pour une histoire de l’évaluation chiffrée, on pourra se référer à l’article  d’Olivier Maulini (http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/maulini/note.html)


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  •                                                                                           Des intelligences multiples

     

    Chaque être humain se crée un mode d’apprentissage qui lui est propre. Que l’on soit élève ou adulte, on apprend différemment quand on voit, quand on écoute quand on fait. Pour apprendre, nous avons tous besoin de communiquer, partager et d’utiliser l’ensemble de nos sens. Mais certains sont plus développés, dépendant de notre façon de penser qui est personnelle.

    Certaines personnes vont préférer écouter parce qu’elles sont réceptives aux sons, aux mots, à la musicalité de la phrase. D’autres, seront davantage attentives quand on leur présentera une image, un schéma ou un graphique.

    Il y a a contrario les élèves qui n’appréhenderont correctement une situation que s’ils s’en saisissent « physiquement », si ils touchent l’objet d’étude. Dans ce cas ils auront besoin des activités expérimentales en sciences pour comprendre un phénomène alors que la seule approche théorique ne débouchera que sur une impasse cognitive.

     

    Pour rendre compte de ces attitudes diverses on est conduit à chercher pourquoi les élèves (et les adultes) adoptent des stratégies différentes face à un problème qui leur est posé. Howard GARDNER, professeur à l’Université de Harvard, a proposé le concept d’intelligences multiples pour analyser les raisons qui conduisent un enfant normalement intelligent à être en échec scolaire[1]. Il indique ainsi que chacun possède plusieurs types d’intelligences qui le prédisposent pour développer certaines compétences. Dans ce modèle, on distingue aujourd’hui huit formes principales d’intelligences :

     

    -         L’intelligence corporelle – kinestésique

    Elle correspond à la capacité d’utiliser son corps, de pouvoir s’exprimer par le mouvement, d’être habile avec les outils et les objets

    -         L’intelligence intrapersonelle

    C’est la capacité de valoriser ses qualités personnelles et de limiter l’impact négatif de ses défauts.

    -         L’intelligence interpersonnelle

    Complémentaire de la précédente elle permet à un individu de collaborer et de savoir tirer parti de compétences multiples pour arriver au but déterminé

    -         L’intelligence logique-mathématique

    Elle fournit la capacité à raisonner, calculer, mesurer, faire preuve de logique. C’est une forme d’intelligence qui se plait dans l’abstraction

    -         L’intelligence verbale-linguistique

    Elle correspond à la capacité de manier le langage et de penser avec les mots pour explorer le monde des idées

    -         L’intelligence musicale-rhytmique

    Elle est en lien avec les sons

    -         L’intelligence visuelle – spatiale

    Celui qui possède cette forme d’intelligence apprécie les représentations imagées qui lui sont proposées (y compris les graphes).

    Elle permet aussi un repérage précis dans les trois directions de l’espace, ce qui facilite la compréhension en géométrie, technologie ou géographie.

    -         L’intelligence naturaliste

    Elle correspond à la capacité d’observation des phénomènes naturels, et par extension d’interpréter et de classifier le monde étudié, qu’il soit physique ou biologique

     

    Chaque individu disposerait ainsi de formes multiples d’intelligences et de capacités plus ou moins marquées dans chacun de ces groupes. Bien entendu ces capacités ne sont pas figées et peuvent évoluer avec le temps, en fonction de son parcours, scolaire, intellectuel, professionnel, social…

    L’intérêt de cette approche par les intelligences multiples, pour l’enseignant, est de pouvoir porter un regard critique sur le résultat de son travail, en particulier pour analyser les difficultés que rencontrent certains élèves.

    Il existe en chacun d’entre nous des tendances plus ou moins marquées vers un type d’approche pédagogique. Cela entraîne plusieurs conséquences concrètes. La première concerne directement les élèves. En se connaissant mieux, ils peuvent travailler les points faibles qui ont été repérés, en axant le travail méthodologique sur les aspects qui pourraient se révéler handicapant. Pour y parvenir, parents et professeurs peuvent s’appuyer sur des capacités naturellement plus développées pour améliorer les autres. En effet, l’élève doit éviter de stimuler seulement ses seules compétences dominantes dans le cadre d’une formation globale et multidisciplinaire. Quand aux professeurs, ils doivent se rappeler que les modes d’apprentissage de leurs élèves sont singuliers, et potentiellement différents du leur. D’où l’intérêt de varier les types d’approches dans les cours et de ne pas répéter les explications in extenso en pensant que la seule répétition sur un mode plus lent sera suffisant pour que l’élève comprenne et que l’obstacle cognitif soit levé.

     

    Tous les professeurs ont aussi remarqué que certains adolescents ont du mal à se concentrer sur une longue période et s’agitent rapidement. Plusieurs raisons peuvent être invoquées. Mais souvent le problème disparaît ou s’atténue quand on les met en activité, quand on les fait parler ou intervenir au tableau, quand on leur permet de communiquer avec les autres. On peut alors penser qu’ils ont besoin de bouger pour apprendre et de travailler à plusieurs[2]. La question est alors de savoir comment canaliser et utiliser cette attitude et cette énergie plutôt que de vouloir cantonner l’élève dans un schéma éducatif qui ne lui sera pas du tout adapté, au point de le conduire dans des voies qui ne risquent de déboucher que sur la confrontation avec l’adulte et l’échec scolaire.

    Raisonner en terme d’intelligences multiples contribue à une meilleure prise en charge de l’hétérogénéité de la classe par une personnalisation plus fine des apports. C’est au cours des activités de groupes que vont s’exprimer les potentialités de chacun à travers les chemins empruntés pour parvenir au résultat, pour formuler la synthèse qui répondra à la consigne du professeur.

     

    Cette diversité des approches cognitives est aussi particulièrement stimulante pour les enseignants. En acceptant le débat, en proposant des démarches d’investigation ou des problèmes avec des questions ouvertes, le cours s’enrichira d’informations et le professeur, au lieu de répéter plusieurs fois la même trame d’une leçon préparée méticuleusement se plaira de plus en plus à s’ouvrir aux apports inattendus de ses élèves.



    [1] Son livre « Frames of Minds : the theory of multiple intelligence » a été publié aux Etats unis en 1983

    [2] Cet aspect est souvent mal compris des enseignants qui ont été pour la plupart de bons élèves pendant leur scolarité, sachant se concentrer longtemps et rester calmes et attentifs aux propos du professeur.


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  •                                                                                          Comprendre la psychologie de l'adolescent

     

    L’Education Nationale n’est pas une entreprise, et les règles de l’entreprise ne s’appliquent pas à l’Ecole. En premier lieu parce que les professeurs travaillent avec des êtres en construction. Un adolescent n’est ni un enfant, ni un adulte. Les parents savent la difficulté à comprendre ces garçons et ces filles en quête d’identité.

    Les adolescents sont des êtres en transformation, biologique, physique et intellectuelle. D’où cette sensibilité à fleur de peau qui les caractérise. Les adolescents quittent un monde, l’enfance, pour entrer progressivement dans le monde des adultes. Les repères se brouillent, ce nouvel univers est complexe. Il faut y trouver sa place, cela demande de penser différemment, de tenter des expériences. C’est aux adultes d’accompagner, d’être des repères, et savoir que toutes les chaînes seront un jour brisées, qu’il n’y a pas d’enfant qui ne devienne un jour adulte.

     

    Les capacités cognitives des adolescents sont beaucoup plus développées que leur maîtrise émotionnelle

     

    Les premiers repères de l’enfant sont ses parents, sa famille et ses professeurs. C’est parce qu’ils sont nombreux, divers et très différents les uns des autres que les adolescents n’ont pas besoin de “désacraliser“ leurs professeurs comme leurs parents. L’adolescent trouvera toujours chez l’un ou l’autre un intérêt intellectuel, une manière de voir le monde qui l’interroge et lui indique une voie à suivre. Cela confère aux professeurs de grandes responsabilités, d’avoir un comportement positif.

     

    De nombreux ouvrages traitent de la psychologie de l’adolescence, et il n’est pas question ici de résumer en quelques lignes des notions très complexes[1]. Il est important que chaque professeur s’informe sur ce sujet, pour mettre des mots et conceptualiser ce qu’il voit dans ses classes, pour l’aider à trouver des solutions quand il est face à des comportements qui peuvent le surprendre, ou le déstabiliser.

    Tous les professeurs ont été confrontés à des élèves dont le potentiel est largement supérieur à celui qui s’exprime dans la classe. Cela se traduit souvent dans le bulletin par une expression du type « peut mieux faire » ou « a de grandes capacités qui ne sont pas exploitées ». De nombreuses raisons peuvent être avancées pour expliquer que l’adolescent « ne s’investit pas complètement ». D’abord il n’en voit pas toujours l’intérêt et le rapport coût-bénéfice n’est pas toujours pour lui évident. Pourquoi travailler beaucoup plus quand une moyenne convenable suffit à satisfaire parents et professeurs? Il faut savoir aussi qu’un adolescent est une personne en quête d’une identité, mais que cette quête passe par le groupe et s’exprime en référence aux autres, aux copains. Il ne peut par conséquent pas trop se démarquer de ce groupe, et le professeur doit tenir compte de cette capacité d’auto-censure non pas pour l’encourager mais pour apprendre à la dépasser.

    L’enjeu consiste alors à créer une émulation collective qui sera profitable à chaque élève.

     

    Ce questionnement permanent, cette recherche de repères, cette envie d’avancer qui se heurte au désir du repli intérieur pour se protéger du monde environnant, tout cela fragilise les adolescents, au point que certains acquièrent des comportements nocifs, voire destructeurs pour eux ou pour leur proche.

     

    Pour avancer, progresser dans le savoir et les apprentissages, l’estime de soi est un véritable moteur.

     

    Dès lors que l’élève a pris conscience de son potentiel et sait que les adultes qui l’entourent l’accompagnent et lui font confiance, mais aussi sécurisent son environnement, le terrain est propice à une scolarité réussie.



    [1] On pourra se référer aux ouvrages de Marcel Rufo ou Olivier Houdé, par exemple, sans non plus oublier Jean Piaget


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  • La conférence donnée par E. Davidenkoff et E. Morozov à l'ESEN sur le thème "Quels enjeux pour l'éducation dans une société numérique?" est dans la rubrique "vidéos éduc", accompagnée d'une carte mentale.


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