•  Questionner les élèves  

     

    Questionner les élèves

    Suivant la forme pédagogique adoptée, le questionnement des élèves ne vise pas le même but.

     

    Le devoir de chercher, le droit de ne pas donner la réponse attendue

     

    Les méthodes pédagogiques qui privilégient la transmission de connaissances ont évolué ces dernières décennies dans le sens d’un plus grand questionnement des élèves, ce qui fait quelquefois penser aux professeurs qu’ils appliquent des pédagogies modernes par cette pratique de l’oral. Il peut ainsi apparaître une réelle confusion entre « rendre les élèves acteurs de leurs apprentissages » et « interroger leurs représentations ». A l’époque de la Grèce antique, Socrate s’adressait à ses disciples sous cette forme, avec l’objectif d’introduire le doute chez son interlocuteur en le poussant dans ses retranchements et en le mettant face à ses contradictions. La maïeutique, qui désigne ce processus philosophique « d’accouchement des esprits » a cette vertu de provoquer le doute. Or, il est évident que les concepts s’ancrent définitivement dans les esprits à partir du moment où les apprenants s’aperçoivent  que leurs conceptions initiales ont montré des limites indépassables.

    Questionner les élèves

    Par exemple, la quasi-totalité des adultes diront que la Terre est l’astre qui tourne autour du soleil, parce qu’ils l’ont appris à l’école. Mais dès que les questions se font plus précises, ou indirectes, les réponses montrent souvent que ce système copernicien n’est pas acquis, loin s’en faut. Quand il s’agit d’expliquer la succession du jour et de la nuit les réponses font souvent référence au mouvement du soleil (la notion de mouvement apparent étant généralement mal comprise). Dans la même logique, de nombreuses personnes pensent que les saisons sont dues à un effet d’éloignement Terre-Soleil parce qu’on leur a dit enfant que la trajectoire de la Terre formait une ellipse (alors qu’elle est quasi circulaire). La référence à l’inclinaison de la Terre par rapport au plan de l’écliptique est rarement proposée pour rendre compte de cette réalité. On en est venu à recréer dans l’esprit des enfants une nouvelle croyance (la Terre tourne autour du soleil) qui n’a pas plus de sens que la précédente (le soleil tourne autour de la Terre) et qui peut questionner sur la démarche scientifique enseignée à l’Ecole.

    Il est essentiel que l’élève puisse questionner ses savoirs pour les faire évoluer. Les professeurs qui délivrent un cours oral en s’appuyant sur les concepts des élèves pratiquent une forme de maïeutique. Or, les classes étant formées de vingt cinq à trente cinq élèves généralement, il est particulièrement difficile de créer de la précarité dans les conceptions de tous les élèves. Ainsi, le professeur va plutôt orienter son questionnement pour provoquer des réactions qui permettront de poursuivre dans le sens du déroulé qu’il a prévu. Les élèves qui acceptent l’autorité intellectuelle du professeur se satisferont de cette méthode (à condition que la contrainte de changement ne soit pas trop forte). Changer de paradigme crée du conflit et du danger dans l’esprit. Inconsciemment, pour se protéger, certains élèves se fermeront à la compréhension et ne pourront pas toujours, seuls face à leur cahier et leur livre, questionner leurs représentations pour les faire évoluer. Quant aux autres, ceux qui ne veulent a priori pas reconnaître la légitimité du savoir du professeur, ils resteront confinés dans leurs certitudes.

     

    On voit donc l’intérêt et l’importance du questionnement, mais pour être efficace le professeur doit accepter de se laisser entraîner sur des pistes inconnues suffisamment longtemps, même si le cours dérive, pour aller au bout du processus de destruction-création intellectuelle.

     

    Dans les méthodes pédagogiques actives, le questionnement « met en ébullition le cerveau », conduit à l’appropriation d’un problème commun, aboutit à l’écriture d’une problématique. A cet instant, il s’agit de laisser chaque élève répondre à sa manière, en utilisant les données et les connaissances qu’il possède et celles qui lui sont fournies. Le professeur étant présent pour l’aider dans cet « accouchement » personnel. La présence du groupe sera alors mise à profit pour montrer la variété des méthodes et des chemins utilisés et pour questionner la pertinence de chacun.

    Questionner les élèves


  • Analyse des pédagogies active et traditionnelle, et de leurs influences sur l'attitude des élèves

    A lire dans la rubrique "La pédagogie...toujours"

    Différentes formes de pédagogies


  •    

     

    La question de savoir si la l'éducation doit être principalement consacrée à la transmission de connaissances ou à la formation intellectuelle et citoyenne ne date pas d'aujourd'hui.

    Déjà au XVI° siècle, si Rabelais faisait dire à Pantagruel qu'il voulait que son fils Gargantua devint un « abîme de science », Montaigne développait l'idée à la même époque « qu'il valait mieux une tête bien faite qu'une tête bien pleine ».

    Mais Rabelais qui s'émerveillait de toute cette connaissance nouvelle qui ouvrait des champs infinis de découvertes pour comprendre le monde affirmait aussi que :

     

    « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme »

     

    Différentes formes de pédagogie

    Si la compétence n'est rien sans un minimum de connaissances, s'il n'est pas question (et ridicule) d'opposer les savoir, savoir faire et savoir être, il est important de comprendre comment la démarche pédagogique adoptée induit un type de comportement chez les élèves. 

     

    Les pédagogies transmissives (souvent appelées traditionnelles) sont basées sur la priorité de transmettre un savoir accumulé depuis des siècles et centrées sur le maître qui détient les clés pour simplifier et structurer le discours afin de le rendre intelligible. Cette forme suppose que l'élève est a priori consentant et veut apprendre, à partir du moment où l'environnement est favorable. Elle nécessite pour cela l'écoute et le respect du maître, en tant que dépositaire d'une connaissance. Cette pédagogie rend l'élève responsable de son apprentissage, et lui impose un effort pour comprendre car si les concepts heurtent sa structure mentale, il faudra qu'il apprenne à raisonner autrement et accepter l'autorité d'un discours éprouvé.

     

    Cette forme pédagogique n'est plus adaptée ni au monde d'aujourd'hui, ni aux élèves actuels si elle est mise en œuvre de manière exclusive. Ce n'est pas qu'ils ne sont pas prêts à faire des efforts, mais ils veulent qu'on leur montre que cela en vaut la peine. La gestion de son temps et l'envie de « zapper » pour profiter des nombreuses sollicitations environnantes ne sont pas propices aux longues heures consacrées à une étude particulière.

     

    A une époque où la connaissance était une richesse rare et difficile d'accès, celui qui la détenait possédait un avantage décisif pour diriger et gouverner. Aujourd'hui la connaissance est multiple, infinie, diffuse et accessible par un simple clic de souris. Elle ne possède une valeur que si elle est traduite, interprétée et transformée.

     

    Les méthodes pédagogiques actives rendent les élèves acteurs de leurs propres apprentissages. 

    Rendre actifs les élèves n'est pas suffisant pour qu'ils soient acteurs de leurs apprentissages. Par exemple, un élève qui va réaliser une série de précipités en travaux pratiques de chimie, ou qui va repérer des dates historiques dans un texte est mis en activité. Mais quelle sera la plus value à moyen et long terme de cette activité si elle ne prend pas sens ? Si, à moment donné la consigne fournie n’oblige pas l’élève à réfléchir, à prendre une décision, à interpréter pour que l'enseignement soit réellement formateur ?

     

    Mettre en oeuvre des démarches de résolution de problèmes, former à la démarche d'investigation, à la démarche de projet, travailler autour de taches complexes entrent dans le cadre des pédagogies actives.  

     

    Dans ces formes pédagogiques, le maître n'est plus le dépositaire de la connaissance mais celui qui crée les conditions pour rendre la connaissance intelligible. Elles nécessitent aussi, comme pour les pédagogies frontales, d’apprendre aux élèves à automatiser des tâches par des exercices qui peuvent paraître répétitifs, pour pouvoir les réinvestir facilement dans des contextes variés et nouveaux.

     

    On reproche souvent aux pédagogies actives d'être brouillonnes et bruyantes. Cela peut être le cas si elles sont mal préparées, mais ces prétendus défauts n'existent plus quand le professeur a pris l'habitude de les mettre en oeuvre. On les dit aussi chronophages. Le risque est en effet réel. Mais il faut rappeler que le maître est garant du temps et de sa maîtrise. Comme pour toute activité, l'habitude et l’expérience lui permettent de parfaitement gérer l'ordre des étapes.

    Brouillonnes, elles le seront si elles s'arrêtent à la phase de découverte ou si elles consistent simplement à mettre les élèves en activité. Or, elles imposent qu'un bilan soit fait, en commun, et qu'une trace écrite réponde explicitement à la consigne d'origine, en élargissant si besoin le cadre de travail.

    Enfin, il est évident qu'aucune activité ne doit être bruyante pour ne pas gêner la concentration, l'écoute et pour que les règles de sécurité soient toujours de mise. Une pédagogie active, en revanche impose que les élèves puissent communiquer et bouger. C'est donc au professeur d'être attentif et de veiller que l'effervescence intellectuelle ne se transforme pas en chahut. Ce qui n'est jamais le cas lorsque le travail a été correctement préparé en amont et quand le professeur a l'habitude de procéder ainsi.

     

    En réalité, les professeurs alternent les formes pédagogiques pour qu'elles puissent parfaitement répondre aux exigences de l'enseignement moderne. Certains cours seront de type transmissifs quand on voudra développer une argumentation avec un apport de connaissances important; d'autres fois, la plupart du temps, les formes actives prévaudront.


  • Un nouvel article dans la rubrique "La pédagogie...toujours"


  •    

     

    Il est important de savoir distinguer ces deux termes pour en définir les champs d’application.

     

    La didactique correspond à une reformulation d'un savoir de type universitaire pour le rendre assimilable par un élève. Cela requiert par conséquent de la part de l'enseignant d'identifier les obstacles et les difficultés liés à la discipline, au niveau enseigné.

     

    La pédagogie définit le cadre d'enseignement élaboré par le professeur ou l'équipe éducative. Elle inclut la didactique disciplinaire, les méthodes d'organisation, les façons d'établir les liens entre les individus (élève-élève et élève-professeur) et la mise en oeuvre de la gestion de classe (voir chapitre précédent).

     

    Décider de faire travailler les élèves en groupes, en binômes ou seuls est un choix pédagogique. Décider que la proportionnalité sera introduite par une étude graphique ou en considérant les relations qui apparaissent dans un tableau de nombre est un choix didactique.

    Proposer une activité sous la forme d'une démarche d'investigation est un acte didactique qui modélise l'action du chercheur mais aussi plus globalement pédagogique puisque le professeur choisit le type de fonctionnement dans la classe, en particulier en fixant le temps consacré à chaque étape de la dite démarche.

     

    La pédagogie est consubstantielle de l'acte d'enseignement

     

    Pour accroître l'efficacité d'un enseignement il vaut mieux consacrer du temps à l'analyse et à la compréhension des différentes méthodes pédagogiques plutôt que de chercher à réinventer les techniques qui ont fait leur preuve en utilisant une pratique empirique. Pour s’approprier une méthode il faut la tester, plusieurs fois. Une lecture d’ouvrage ne remplacera pas une expérimentation de classe mais facilitera l’acquisition et la compréhension du concept méthodologique et philosophique sur laquelle elle s’appuie. Au-delà de l’impact que peut avoir cette étude sur l’action éducative du professeur et la réussite des élèves, il faut bien comprendre que se former à la réflexion pédagogique accroît le plaisir d'enseigner à long terme.

    S'intéresser à la pédagogie c'est vouloir comprendre pourquoi ses élèves ne comprennent pas. 

     

    De nombreux chercheurs en pédagogie ont montré qu'une situation d'enseignement s'inscrit toujours dans un triangle pédagogique formé aux trois sommets par l'élève, le professeur et le savoir disciplinaire didactisé.

    Philippe Meirieu a proposé une description qui détaille les relations liant ces trois entités :

    -         Entre l'enseignant et le savoir disciplinaire il apparaît le champ didactique qui régit le passage du savoir universitaire au savoir enseigné,

    -         ²Entre l'enseignant et l'élève, c'est la relation pédagogique qui fournit les conditions d'enseignement,

    -         Entre l'élève et le savoir disciplinaire le lien définit la forme que va prendre la relation d'apprentissage, c'est à dire la stratégie que l'élève va adopter pour répondre à la problématique posée.

      Pédagogie et didactique


     

    Quand on s'intéresse à l'histoire des sciences, on s'aperçoit rapidement que les questions fondamentales que se posent les élèves, mais aussi les interprétations spontanées des phénomènes observés, sont souvent les mêmes que celles qui ont précédées les découvertes. Spontanément, les démarches vont conduire aux mêmes questionnements et aux mêmes erreurs. Le travail du professeur consiste à proposer des situations qui ne vont surtout pas éluder les questions, mais vont permettre d'y répondre plus rapidement que les découvreurs. Il a par exemple fallu environ un millénaire pour s'affranchir du modèle de Ptolémée qui place la Terre au centre de l'Univers et élaborer le modèle héliocentrique de Galilée. Le professeur n'aura que quelques heures pour faire accepter ce changement de paradigme. Enseigner constitue à la fois une accélération temporelle dans l'acquisition des savoirs, et la formation à des compétences sociales, civiles, comportementales et disciplinaires qui seront utiles et même indispensables dans la vie adulte.

     

    La pédagogie appartient au champ des sciences humaines. Les théories ont évolué au cours des siècles, mais depuis ROUSSEAU elles reposent sur le principe qu'un enfant ou un adolescent n'est pas un adulte en miniature et qu'il faut du temps pour apprendre. Pour cela l'éducation est le processus fondamental d'apprentissage dans la société et le rôle du maître est de créer les conditions du désir d'apprendre[1].



    [1] Il existe d’autres façons pour apprendre :  le mimétisme, la lecture, l’expérimentation… Mais c’est l’acte éducatif provenant des parents et des professeurs qui sera au final le plus intense, le plus complet et le plus puissant dans la vie d’un individu.