•    Pendant longtemps on a considéré que seul le maître avait vraiment droit à la parole puisque c'est lui qui savait. Et son rôle, sa fonction principale était de transmettre ce savoir qu'il détenait, comme on verse de l'eau dans un verre pour le remplir. Comme la reproduction des élites imposait le respect des professeurs, cette méthode a perduré jusqu'à ces dernières années.

    En effet, celle ci était adaptée à la minorité culturellement préparée et à quelques élèves doués qui avaient un goût particulièrement prononcé pour les études. Elle ne l'est plus quand il s'agit de s'adresser comme aujourd'hui à la quasi totalité de la population. En particulier parce que les sources du savoir sont désormais diffuses et les moyens d'y accéder faciles et nombreux.

     

    De plus, il faut savoir que lorsque la langue ou la culture des élèves n’est pas celle de l’école, le passage à l’écrit est encore plus difficile si il n’est pas précédé d’une verbalisation des notions introduites.

     

    Ainsi, l’oral doit aussi servir à améliorer l’écrit. En modifiant son registre de langue, en passant du style relâché à un autre plus soutenu, en utilisant toute la richesse linguistique et grammaticale, l’élève doit pouvoir prendre conscience qu’une langue élaborée permet de décrire des phénomènes complexes. Cependant, les professeurs doivent se battre pour imposer le langage complexe dans un monde qui simplifie la langue et la pensée. Cette évolution ne date pas de ces dernières années mais les prémisses apparaissent au début de la révolution industrielle et ce sont les inventions techniques qui ont créé ce changement. Dès l'apparition du télégraphe, il a fallu supprimer des termes annexes, par exemple les formules de politesse, les adjectifs ou adverbes inutiles. Quand le téléphone et la télévision sont arrivés dans les foyers, les phrases travaillées ont laissé la place à de courtes répliques et l'émotion a pris le dessus sur la réflexion. Aujourd'hui le SMS et le tweet sont l'aboutissement de cette évolution. Or, il est important que l'école montre qu’en construisant le verbe on peut analyser le monde (qu'il soit économique, littéraire ou scientifique) car nulle autre institution ne le fera à sa place.

     

     

     

    De nombreuses raisons permettent d'expliquer que les professeurs ont un lien particulier avec  la parole et laissent souvent peu de place à l’expression orale des élèves. Ils maîtrisent ce qu'ils disent (le contenu disciplinaire), veulent avec une volonté positive et affichée donner un maximum d'informations pour proposer un cours riche et complet. Mais a contrario, centrer sa pratique sur la restitution plus ou moins didactisée d’un savoir universitaire empêche de prendre conscience que certaines compétences, très utiles dans la vie quotidienne et professionnelle ou pour aborder des problématiques culturelles complexes, sont peu travaillées en conséquence. C’est par exemple le cas de l'expression orale, la réflexion collective, le travail de groupe, la compréhension et l’utilisation de données, la responsabilité des propos tenus, l'argumentation…

     

     

     

    L’oral pour apprendre

     

     

     

    Quelle place et quel statut donner à l’oral ? La prise de parole des élèves est utile quand il y a la possibilité de développer une argumentation afin de confronter une pensée avec une autre ou pour questionner un texte en lettres, le réel en sciences, une courbe en mathématique, des formes musicales diverses… Devoir argumenter c’est apprendre à réfléchir et accepter le débat démocratique (formation du citoyen)[1].

     

    Les questions fermées dont la réponse prend une forme binaire (oui ou non), ou de manière générale consiste à exprimer un mot, un bout de phrase sont à éviter, sauf s’il s’agit de vérifier qu’une notion a été bien comprise, ou que le cours est appris.

     

    Les professeurs expérimentés utilisent le questionnement ouvert pour intéresser leurs élèves et fragiliser suffisamment les représentations spontanées  pour qu’elles tombent d’elles mêmes à la fin de la séance.

     

    Cette forme d’oral a le mérite de permettre aux élèves d’explorer des pistes plus variées pour parvenir à une solution (leur solution) qui réponde à la problématique posée.

     

     

     

    Apprendre à réussir les phases d’oral s’acquiert avec l’expérience qui peut s’enrichir d’une réflexion préalable. Par exemple, il s’agira d’identifier des stratégies pour :

     

    -          définir une véritable situation problème

     

    -          ne pas créer un débat sans intérêt ou dont l’utilité est questionnée

     

    -          contrôler que la totalité des élèves participent, y compris les plus faibles

     

    -          individualiser le questionnement

     

    -          animer le débat sans le guider, recentrer sur la problématique d’origine

     

    -          être rigoureux avec la langue : l’oral n’est pas du bavardage

     

    -          s’assurer que le débat a permis à tous les élèves d’avancer dans la compréhension du problème posé

     

    -          accepter que l'élève se trompe et puisse reformuler, plusieurs fois, pour parvenir à une phrase dont la syntaxe et le vocabulaire sont corrects.

     

     

     

    L’évaluation de l’oral est une difficulté objective. Celle-ci est délicate et malaisée à mettre en œuvre. Elle est compliquée parce qu’il faut définir des critères de réussite qui ne sont pas évidents et qui dépendent aussi en partie de la discipline : on n’évalue pas un oral en langues étrangères comme en mathématique. Cette évaluation ne peut en tout cas pas être liée à une note quotidienne. Elle doit s’opérer sur une longue durée et être de nature formative, tenant compte des compétences qu’on cherche à développer. 

     



    [1] Pour cela on peut multiplier les situations où l’élève prend position. En utilisant la vidéo, l’analyse objective et bienveillante de la prestation est féconde. Un travail préalable avec la classe est cependant nécessaire pour mettre les élèves en confiance.

     


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    Geyser rose

    Une création de l'artiste Marco Evaristti (http://evaristti.com/)

    A voir aussi en vidéo en cliquant sur l'image


  • Un nouvel article dans la rubrique "gestion de classe" qui précise comment mettre en œuvre un travail oral de qualité dans la classe.


  • un nouvel article dans la rubrique "évaluation"

    L'auto-évaluation des élèves


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    La réussite des élèves dépend de nombreux facteurs, en particulier de l’investissement de l’élève dans sa formation. Pour l’accroître il est important de réfléchir à la manière de développer les conditions qui concourent à une plus grande appétence vis-à-vis de l’école et des disciplines enseignées, mais aussi de l’impliquer dans son évaluation. En développant une démarche éducative et évaluative axée sur les compétences, à savoir les connaissances, les capacités et les attitudes, il est plus facile pour le professeur de faire prendre conscience à l’élève de ses lacunes. En effet, un devoir noté (et annoté) n’est généralement pas suffisant pour expliquer à l’élève si l’erreur commise est liée à une difficulté ponctuelle ou à un problème méthodologique. De plus, l’inflation souvent constatée des devoirs et des notes ne permet pas à l’élève de prendre suffisamment de recul pour analyser en terme générique ses difficultés. En liant les exercices aux compétences, à conditions qu’elles soient définies en commun par l’équipe pédagogique pour en limiter le nombre, il est possible d’entamer une réflexion partagée pour aider chaque jeune à identifier les obstacles à surmonter et à définir les besoins d’ordre méthodologique.

     

     

     

    L’autoévaluation commence par une évaluation personnelle du travail produit lors d’une activité ou d’un contrôle. Il ne s’agit pas de demander un ressenti global sur la réussite ou non de l’exercice proposé mais plutôt de savoir si les références en terme de connaissances ont bien été apprises et utilisées à bon escient et si les méthodes employées ont été ou non un frein à la résolution du problème.

     

    Par comparaison avec la correction du professeur, un débat fécond peut s’engager, en particulier si il apparaît une divergence des points de vue entre l’apprenant et l’enseignant.

     

     

     

    Définir une stratégie pour lutter contre la constante macabre

     

     

     

    Nous avons expliqué précédemment comment, de manière involontaire, les professeurs pouvaient élaborer les textes des devoirs surveillés de manière à obtenir in fine une répartition d’élèves telle qu’un nombre important d’entre eux se retrouvent affublés de moyennes passables, voire inférieures à 10/20. En effet, une moyenne de classe à 11/20 conduit inévitablement à avoir environ un quart des élèves de la classe avec une moyenne médiocre (autour de 10-11) et un autre quart une moyenne inférieure à 10. Les taux augmentant quand la moyenne de classe décroît. Pour remédier à cet effet de « constante macabre », A. ANTIBI a popularisé un système alternatif d’évaluation «par contrat de confiance ». Bien introduit en lycée professionnel, ce mode d’évaluation est peu utilisé dans les lycées généraux et technologiques. Il apparaît désormais dans les collèges.

     

     

     

    Celui-ci repose sur le principe de la mise en place d’un climat de confiance entre élèves et professeur et l’idée que tout élève peut réussir si on lui fournit les outils pour surmonter les difficultés repérées. Il y parviendra d’autant plus facilement qu’il apprendra ses leçons, ce qu’il fera plus naturellement si il a le sentiment qu’il peut obtenir une bonne note1.

     

     

     

    Le principe est le suivant. Une ou deux semaines avant le devoir le professeur indique aux élèves une liste de questions traitées en classe. Celles-ci concernent la leçon comme les exercices. Ces questions sont notées sur 15 ou 16. Un dernier exercice porte sur le programme mais les questions ne figurent pas explicitement dans la liste proposée. Ainsi, un élève qui aura travaillé devra réussir. Pour l’aider dans ses révisions, une séance précédent le contrôle sera prévue pour répondre aux demandes d’explications des élèves qui ont étudié mais ont repéré leurs lacunes et leurs faiblesses2.

     

    Dans cette méthode, il est évident que le dernier exercice proposé ne doit pas être difficile au point de n’être réussi que par quelques uns, ce qui reviendrait à noter la plupart des élèves sur 15 ou 16.

     

     

     

    A ceux qui s’offusqueraient de cette technique, en expliquant qu’elle a certes un effet très bénéfique sur la mémorisation, mais qu’elle ne favorise pas la réflexion, on peut rappeler que la plupart des concours des écoles d’ingénieurs et de commerce sont basés sur ce principe : Plus l’étudiant aura fait d’exercices en classes préparatoires, plus il aura de chances de tomber le jour du concours sur un exercice du même modèle. Sans oublier le concours à l’issue de la première année de médecine qui correspond à ce type d’épreuve avec des questions préparées pendant l’année universitaire et reposées le jour du concours. Cela n’empêche pas de disposer de bons médecins et de bons ingénieurs à l’issue de la formation.

     

     

     

    L’évaluation par contrat de confiance appelle pour l’élève une forme d’auto-évaluation quand il révise puisqu’il définit précisément au préalable ce qu’il sait et ce qu’il ne sait pas. Cette méthode est en fait une stratégie parmi d’autres pour mettre les élèves en situation de travail. Elle ne doit pas exclure l’évaluation des compétences, en contrôle ou en activité de classe, en proposant des tâches complexes ou des exercices axés sur des capacités précises.

     

    Il s’agit par conséquent pour le professeur de réfléchir à une pédagogie qui permette à la fois de former les élèves sur le long terme et de les évaluer de façons diverses afin de mieux appréhender ce qu’ils savent pour proposer si besoin de la remédiation, et de les évaluer de façon positive pour leur donner le sentiment de réussite et l’envie de poursuivre dans la discipline.

     

    1 Roland GOIGOUX rappelle que la personnalisation, si elle est nécessaire, arrive après la gestion du groupe classe qui reste le cœur du métier d’enseignant. Il propose de classifier les aides apportées en 7 familles. Voir : http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2013/GFENAvril03.aspx

     

    2 On peut aussi voir l’accompagnement personnalisé au lycée comme un dispositif qui privilégie la préparation de l’élève au contrôle. L’idée étant d’anticiper les échecs plutôt que de proposer une remédiation classique. Ainsi, la pédagogie mise en œuvre est différenciée, par groupes de besoins et non par groupes de niveaux.